"La stratégie est la suivante", écrit un employé d'UBS à un trader de la banque dans un chat interne révélé par la justice américaine, "je te demanderai le prix et laisserai la ligne téléphonique avec le client ouverte afin qu'il entende (la réponse) par les haut-parleurs. On doit donc se coordonner sur le prix".
Cette manoeuvre permettait de faire croire aux clients qu'ils obtenaient directement le prix du marché d'un produit, alors que les employés d'UBS y avaient déjà additionné des frais en amont. Une technique expliquée sans détour dans leur discussion: "comme on aura les haut-parleurs enclenchés, le prix devra déjà inclure un différentiel".
Des ordres de clients manipulés
Des frais cachés ont également été imposés à des clients en manipulant leurs ordres boursiers visant à acheter ou vendre un produit financier à une limite de prix spécifique.
Dans un e-mail envoyé à des collègues basés à Londres et Singapour, un employé de la branche new-yorkaise d'UBS annonçait avoir un client "qui a un ordre d'acheter 150 millions d'euros (au taux de change de) 1,3070", avant d'expliquer la manipulation prévue. "J'ai divisé le trade en trois parts, 50 millions à 1,3070, 50 millions à 1,3069 et 50 millions à 1,3068".
L'écart entre la volonté du client et l'ordre effectif a ainsi permis à UBS d'encaisser une plus-value cachée. "J'aimerais que vous tentiez de prendre deux pips (une unité de variation du taux de change, ndlr), trois serait encore mieux, mais je vous laisse gérer", est-il écrit.
Le Libor aussi
Les échanges visant à manipuler les taux interbancaires apparaissent également dans les documents de la justice américaine.
Alors qu'ils se trouvaient en charge de transmettre les taux du Libor jusqu'en septembre 2009, les traders de produits dérivés s'étaient vu retirer cette tâche par la direction de la banque, au motif d'un risque de conflit d'intérêts. Le Libor est utilisé pour établir les prix de 350'000 milliards de dollars de produits, allant des emprunts immobiliers aux crédits à la consommation.
Je n'ai pas de problème à vous aider, mais je ne peux pas fixer le Libor trop loin de la réalité. UBS va se faire bannir si je fais ça
Malgré ce changement de politique interne, des traders ont maintenu un droit de regard et faisaient directement suivre leurs exigences aux nouveaux responsables. Extrait d'une discussion d'un chat interne:
Trader: "A combien va-t-on le fixer?"
Responsable Libor: "Notre contribution non-biaisée se situerait à .69"
Trader: "Cela aiderait vraiment si on pouvait l'avoir plus bas"
Responsable Libor: "Comme je l'ai déjà dit, je n'ai pas de problème à vous aider, mais je ne peux pas fixer le Libor trop loin de la réalité. UBS va se faire bannir si je fais ça"
Trader: "Bien-sûr, je ne demande pas un si grand écart, n'importe quelle aide serait la bienvenue"
Résultat des tractations, la justice américaine souligne que c'est finalement un taux biaisé dans le sens de la demande du trader qui a été transmis.
Il ne dit pas non à une livraison annuelle de champagne, quelques verres avec son chef et un petit bonus de temps en temps
Ces risques pris par les employés se sont vus récompenser laisse croire un autre échange. Dans une discussion entre un trader et un broker au sujet d'un collègue ayant été particulièrement conciliant, la question de la récompense apparaît: "Il ne dit pas non à une livraison annuelle de champagne, quelques verres avec son chef et un petit bonus de temps en temps".
UBS a été amendée à hauteur de 545 millions de dollars mercredi pour des manipulations sur le marché des changes et du taux interbancaire Libor.
Contrairement aux autres banques concernées, la banque suisse va échapper à des poursuites au pénal dans le dossier des changes pour avoir alerté le département américain de la Justice sur la question. Elle va en revanche plaider coupable dans celui du Libor.
Marc Renfer
Le document de la justice américaine (discussions internes surlignées en jaune):