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Pour les Etats-Unis, la Suisse lève trop rapidement ses sanctions sur l'Iran

De nombreux pays et entreprises voient l'Iran comme un marché très juteux. [AFP - Atta Kenare]
L'annonce de la Suisse de lever une partie des sanctions contre l'Iran froisse les USA / Forum / 8 min. / le 18 août 2015
Alors que la Suisse a levé une partie des sanctions envers l'Iran, les Etats-Unis ont rappelé que les entreprises qui commercent avec ce pays sont toujours susceptibles d'être sanctionnées.

Le calendrier de la levée des sanctions envers l'Iran est une question très délicate pour le gouvernement Obama, alors que la Suisse a choisi d'accélérer le rythme, au risque de froisser les Etats-Unis. Le gouvernement américain n'avait en effet pas été averti à l’avance de cette annonce de levée des sanctions, comme le concédait mercredi dernier le porte-parole du département d'Etat Mark Toner.

Ce dernier a précisé que les sanctions restent en place jusqu'à ce que les inspections prévues aient été effectuées en Iran. La levée des sanctions pourrait être effective en automne 2016 seulement. La Suisse a donc choisi d'aller plus vite en tant que premier pays a les lever. Un geste assez audacieux du Conseil fédéral.

Risque de poursuite si les sociétés sont en lien avec les USA

Mais cette décision n'est pas sans risque pour les entreprises suisses, toujours susceptibles d'être poursuivies par les Etats-unis pour avoir commercé avec l'Iran, comme l'a admis Mark Toner. Théoriquement, ce type de sanction secondaire ne s'applique qu'aux "US person", les citoyens ou résidents américains, les détenteurs d'une Green Card... mais aussi les entreprises helvétiques contrôlées par une "US person". Et la justice américaine a le bras long.

Aux Etats-Unis, la revue nationale de droit a réagi à la décision suisse en conseillant la plus grande prudence aux entreprises tentées par le commerce avec l'Iran. Même si a priori aucun lien n’existe avec les Etats-Unis, l'expérience a montré qu'il peut en coûter très cher de violer un embargo américain.

Le cas helvétique cité en exemple au Congrès?

Si la Suisse est la première nation à lever les sanctions, d'autres pays européens souhaitent également se précipiter à Téhéran. La France, l'Allemagne,  l'Italie, l'Espagne... tous veulent arracher les bons morceaux de ce nouveau marché! Signe que même sans accord, les sanctions ne pourront pas durer éternellement.

On peut y voir aussi une faiblesse de la position américaine. Le Congrès doit voter d'ici la mi-septembre, mais d'ores et déjà, l'édifice des sanctions paraît fragilisé. Il est possible qu'il finisse par s’effondrer à terme, même si le Congrès vote non.

Le Congrès apparaît ainsi pieds et poings liés. Et il y a de fortes chances que la décision de la Suisse soit brandie en exemple dans les discussions enflammées qui vont se poursuivre ces prochaines semaines aux Etats-Unis.

Philippe Revaz

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La Suisse a expliqué sa position aux Etats-Unis

L'ambassadrice américaine Suzi Levine a rencontré la cheffe du dossier, l'ambassadrice Livia Leu, quelques heures après la séance du Conseil fédéral.

Côté suisse, on rappelle qu'il n’'est pas dans la coutume d'informer un gouvernement étranger avant la prise d'une décision. Les services de Didier Burkhalter ont aussi confirmé que le conseiller fédéral avait informé oralement John Kerry lors de leur rencontre à La Havane vendredi.

Ce n'est non plus pas la première fois que la Suisse prend le risque de fâcher les Etats-Unis dans ce dossier. Les archives Wikileaks rappellent que la Suisse a toujours été sujette aux pressions américaines, lorsque Doris Leuthard était ministre de l'Economie, pour les liens de ses entreprises avec l'Iran.