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"Le franc suisse est un minerai à exploiter via un fonds souverain"

Didier Sornette. [Swiss Finance Institute - Fabian Biasio]
Didier Sornette, spécialiste des risques entrepreneuriaux / L'invité de la rédaction / 21 min. / le 27 août 2015
Didier Sornette, spécialiste des risques entrepreneuriaux, a appelé à "utiliser la force du franc pour en faire une force", via la création d'un Fonds souverain suisse, jeudi sur les ondes de la RTS.

"Le franc suisse est un minerai précieux", a tonné Didier Sornette, professeur à la chaire de risques entrepreneuriaux de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ). "Les étrangers veulent acheter de ce minerai", a-t-il poursuivi en assurant que la Suisse "avait un avantage compétitif mondial".

"Les performances suisses sont remarquables depuis plusieurs décennies. En 1970, un dollar valait 4 francs, aujourd'hui il vaut moins d'un franc. Ceci est dû à (...) une véritable richesse nationale créée par l'efficacité du travail des Suisses, par une politique stable, par une démocratie remarquable, etc. Toutes ces conditions font qu'à moyen et à long terme, le franc suisse s'apprécie. Mais cette richesse, il ne faut pas la combattre, il faut l'exploiter", a expliqué Didier Sornette, en revenant sur un document qu'il a publié mercredi qui appelle à créer un Fonds souverain suisse (FSS) (voir encadré).

Ce projet controversé est débattu depuis quelques mois en Suisse.

Accepter la faiblesse de l'euro

"L'Europe souffre de problèmes structuraux qui ne vont pas disparaître rapidement", a-t-il par ailleurs rappelé. La Banque nationale suisse (BNS) a défendu un taux plancher de 1 euro pour 1,20 franc du 6 septembre 2011 au 15 janvier 2015, en achetant des euros en masse. Quelque 500 milliards de francs sont maintenant stockés à la banque centrale. "C'est faux de dire qu'il ne s'agit pas d'une épargne équivalant à ce qui résulte en Norvège de la vente de pétrole", a renchéri le Français, en faisant référence au fonds souverain de la Norvège, qui est alimenté par le pétrole.

En Suisse, "on n'a pas assez d'idées aujourd'hui pour dépenser cette manne. On la placerait donc pour les générations futures ou pour les retraites". Didier Sornette appelle à prendre exemple sur Singapour, "la petite Suisse asiatique, qui a encore moins de matières premières que notre pays", mais qui a créé un fonds souverain.

Les fonds des universités américaines comme modèles

Sur la manière dont serait géré le FFS, le spécialiste fait référence aux grands fonds des universités américaines, qui génèrent 10% de gain par an, dont 3% servent à payer les fonctionnaires, les infrastructures ou les projets d'innovation. Les 7% restants sont réinvestis (par exemple dans des forêts en Amazonie) pour permettre au fonds de croître.

Quant aux responsables du projet, Didier Sornette estime que c'est à la politique de choisir entre la BNS, la Confédération et les universités. Des privés pourraient apporter leur concours.

Le professeur de l'EPFZ appelle à mettre un terme au taux négatif et précise que le "minerai suisse" peut être exploité autrement que via un FSS.

bri

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Le fonds souverain en bref

Le fonds souverain est un fonds public de placements financiers à long terme détenu par un Etat national. Sa politique d'investissement vise à atteindre des objectifs macroéconomiques telle que l'épargne inter-générationnelle.