Le business du vin

Grand Format

KEYSTONE - Jean-Christophe Bott

Introduction

Le vin est désormais un placement financier qui rapporte plus que les bourses et qui passionne les collectionneurs. Quant au consommateur, il ne rechigne pas à mettre le prix pour un bon cru "au verre". TTC consacre une édition spéciale à ce business florissant.

Les Suisses et le vin

La Suisse dispose d'une riche tradition viticole, en étant à la fois un pays producteur et consommateur, malgré une baisse de la consommation ces dernières années.

Le Valais, principal canton viticole

La Suisse compte 14'835 hectares de vigne, dont plus de la moitié est composée de cépages rouges (58%).

Le cépage le plus cultivé est le pinot noir, avec 4261 hectares, qui représente 50% des cépages rouges. Du côté des blancs, le chasselas représente 62% des cépages.

Le principal canton viticole est le Valais, qui accueille près du tiers de la surface viticole helvétique, dont 62% de cépages rouges. Suit le canton de Vaud, qui totalise 60% de la récolte nationale de blancs. Le canton de Genève complète ce podium, suivi du Tessin.

Consommation en baisse

De manière générale, la consommation de vins diminue en Suisse. En 2014, elle s'élevait à 2'939'925 hectolitres, soit une baisse de -2,8% par rapport à 2013.

La consommation de vins indigènes a chuté de façon marquante dans les vins rouges (-8,8 %). En revanche, la consommation de vins étrangers est en augmentation, notamment les blancs.

Une production peu exportée

La Suisse importe nettement plus de vin qu'elle n'en exporte. En 2014, les importations (provenant principalement d'Italie, de France et d'Espagne) se sont élevées à 1'881'002 hectolitres. Or, seule 1 à 2% de la production est exportée, notamment vers l'Allemagne et le Royaume-Uni. En 2014, cela représentait 8289 hectolitres de rouge et 6189 hectolitres de blanc.

Source: Office fédéral de l'agriculture, Régie fédérale des alcools

Du vin "ouvert" au vin "au verre"

Depuis quelques années, des bars à vin s'ouvrent un peu partout en Suisse romande. La nouvelle tendance, plutôt urbaine, est celle du vin au verre plutôt qu'au vin ouvert comme autrefois.

Julien Vogel, directeur des bars à vin Yatus (Lausanne, Fribourg et Vevey) rencontré par TTC, indique par exemple que son vin le moins cher coûte 5 francs le verre et que le plus cher qu'il ait est un grand cru à 40-50 francs le décilitre.

Quant aux clients interrogés, ils disent être prêts à mettre 10 francs pour un bon verre.

Les bars à vin
T.T.C. (Toutes taxes comprises) - Publié le 5 octobre 2015

Les conseils pour choisir son vin

Choisir une bouteille de vin, notamment en grande surface, peut s'avérer un casse-tête lorsque l'on n'est pas connaisseur. Les conseils de deux experts à RTSinfo:

  • Chandra Kurt, journaliste et consultante spécialisée dans le vin, auteur du guide "Weinseller", qui note les vins disponibles en supermarché.

  • Fabrice Simonet, oenologue et producteur viticole à Môtier (Vully).

Éviter le piège du visuel

"On ne peut pas dire si le vin est bon simplement au visuel de la bouteille. Or, on est souvent trompé par l'étiquette, la forme ou la couleur du contenant", estime Chandra Kurt.

L'experte conseille aussi de faire attention aux médailles. "Cela peut vouloir dire que la cave a été primée il y a cinq ans, ou qu'un autre millésime de ce vin a été récompensé". Quant aux appellations de type "grand cru" ou "grand vin", elles ne sont pas réglementées dans certains pays et ne signifient pas la même chose d'une région à l'autre.

On ne peut pas dire si un vin est bon uniquement au visuel de la bouteille. On est souvent trompé par l'étiquette (...)

Chandra Kurt, journaliste et consultante spécialisée dans le vin

"C'est impossible de savoir à l'avance si le vin est bon. Pour en être sûr, il faut le goûter", souligne Fabrice Simonet, qui propose, par exemple, de "favoriser la dégustation à l'aveugle, pour ne pas déguster l'étiquette".

Quant à Chandra Kurt, elle insiste sur la comparaison. "On peut par exemple acheter plusieurs bouteilles, les déguster au fil du repas, et désigner celle que l'on préfère.

>> Le reportage de TTC sur la conception des étiquettes de vin :

TTC etiquettes vin
Info en vidéos - Publié le 5 octobre 2015

Le prix est-il gage de qualité?

"Le prix n'a rien à voir avec la qualité du vin. Dans certaines régions, le terroir est plus cher, comme la Bourgogne, alors le vin y sera plus cher qu'un sicilien, par exemple", juge Chandra Kurt.

Fabrice Simonet, lui, est plus nuancé. "Lorsque le prix est inférieur à 12-13 francs la bouteille, c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas, quelque part dans la chaîne de production. Soit le vin a été acheté à bas prix au producteur qui n'arrivait pas le vendre, ou les frais de production ont été diminués sur les salaires des employés...", estime-t-il.

Lorsque le prix est inférieur à 12-13 francs la bouteille, c'est que quelque chose ne va pas quelque part dans la chaîne de production.

Fabrice Simonet, oenologue et producteur viticole

Y-a-t-il des régions ou des cépages à privilégier?

"Il n'y a pas de recette", selon Fabrice Simonet. "Il y a d'excellentes choses dans toutes les régions viticoles du monde. Mais il y a de mauvais vins partout aussi", insiste-t-il. Selon lui, le plus important est d'être curieux, de goûter et de discuter avec les producteurs.

Que demander au sommelier?

"Il faut être conscient de ses préférences, se rappeler ce que l'on a goûté et apprécié, et en parler au sommelier. Ou alors, lui dire ce qu'on compte faire à manger avec ce vin", conseille Chandra Kurt.

"Il faut savoir que nos goûts évoluent. Il est rare qu'en tant que débutant, on apprécie les vins très complexes. On préfère d'abord des choses plus légères et fruitées, puis l'on s'initie", ajoute-t-elle.

Fabrice Simonet, lui, conseille l'achat directement auprès du producteur. "Derrière le vin, il y a toujours des hommes et des femmes, une dimension humaine qu'il est important d'aller chercher".

Des vins suisses dans la "Bible" du vin

"The Wine advocate" de Robert Parker, une revue en ligne américaine considérée comme la "Bible" du vin, a noté pour la première fois des vins suisses dans son édition 2015.

En 2012, quatre producteurs avaient été mis en avant sous la forme de "coups de coeur". Cette année, ce sont 67 bouteilles qui ont été dégustées et 18 vins ont obtenu une note supérieure à 90/100.

"L'effet Parker"

"Quand Parker donne des points, on existe", souligne l'auteur et consultante en vin Chandra Kurt, grâce à qui les dégustateurs du guide ont noté une sélection de chasselas helvétiques.

"En Suisse, 80% du vin provient de la zone latine, qui compte 2 millions d'habitants, contre 6 millions d'habitants en zone germanique. Si la reconnaissance vient de l'extérieur, cela sera plus simple pour que tout le pays s'approprie les vins suisses", analyse Gilles Besse, président de Swiss Wine Promotion.

Si la reconnaissance vient de l'extérieur, il sera plus facile que tout le pays s'approprie les vins suisses.

Gilles Besse, président de Swiss Wine Promotion

Pourtant, si cette reconnaissance internationale pourrait donner un visage aux vignobles helvétiques à l'international, ses méthodes ne font pas l'unanimité...

>> Visionnez le reportage complet de TTC :

TTC des suisses dans le prestigieux guide parker
Info en vidéos - Publié le 5 octobre 2015

Investir dans le vin

Le vin est devenu un véritable produit financier et il existe un marché pour les vins d'investissement. "Nous avons établi une corrélation entre vin et création de richesse, et il apparaît qu'un quart des personnes possédant des revenus élevés collectionne le vin", expliquait Dan Scott, analyste au Credit Suisse, dans le magazine de la banque. "Le vin, tout comme l'art, est un investissement passion ", ajoutait-il.

Exercice périlleux

Pour Philippe Masset, qui enseigne la finance et l’économie du vin à l’école hôtelière de Lausanne, interrogé par TTC, celui qui a investi dans le vin récemment a fait de bonnes affaires. Mais il s'agit d'un exercice périlleux pour celui qui ne connait pas la matière.

C'est un investissement très spéculatif (...) Il y a eu des faillites, mais aussi des défauts dans les demandes de remboursement de clients qui avaient investi dans des parts de fonds sur le vin.

Jean-Claude Di Pietro, gestionnaire de fortune et membre de l'Académie des sommeliers de France

Il existe une trentaine de fonds spécialisés dans le vin, qui fonctionnent à la manière des fonds de placement classiques. Or, Jean-Claude Di Pietro, gestionnaire de fortune également membre de l'Académie des sommeliers de France interrogé par TTC déconseille ce type de placement. "C'est un investissement très spéculatif (...) Il y a eu des faillites, mais aussi des défauts dans les demandes de remboursement de clients qui avaient investi dans des parts de fonds sur le vin", explique-t-il.

>> Le reportage complet de TTC :

TTC le vin comme produit d investissement
Info en vidéos - Publié le 5 octobre 2015

Des trésors de collection sous nos pieds

Peu de gens le savent, mais des vins parmi les plus prestigieux du monde sont conservés dans les sous-sols genevois. TTC a pû visiter deux trésors des sous-sols de la cité de Calvin.

Une success story

Filip Opdebeeck a par exemple lancé son entreprise "Au Bonheur du Vin" en 2007. "En discutant avec les amateurs de vins, je me suis rendu compte qu'il y avait un vrai souci de stockage des vins sur Genève", explique le valaisan d'origine, qui a fait le pari fou de transformer le coffre fort d'une banque privée en cave à la température et à l'hygrométrie constantes et assure un service de livraison à domicile.

Huit ans plus tard, il croule sous les demandes, à tel point qu'il va devoir chercher de nouveaux coffres pour quelques 5000 bouteilles en attente. Il en conserve déjà 110'000, dont de véritables trésors. La plus chère est une bouteille de vin jaune du Jura, vendue 100'000 francs suisses lors d'une vente aux enchères il y a quelques années.

Une fortune en liquide

Aux ports francs, des milliers de caisses des plus grands crus et millésimes récoltés dans toute l'Europe, directement auprès des grands châteaux ou dans des ventes aux enchères, sont également conservées.

Ces Mouton Rothschild, Romanée Conti ou Petrus sont assurés comme des oeuvres d'art ou des bijoux. En effet, une goutte d'eau sur une étiquette ou un petit dégagement de fumée et la valeur des bouteilles s'effondre.

Mais pas d'assurance contre le goût de bouchon. Certains de ces vins sont des objets de spéculation et ne seront jamais bus, mais revendus aux enchères.

>> Le reportage complet de TTC

TTC collectionneurs de vins
Info en vidéos - Publié le 5 octobre 2015

D'autres reportages et interview à découvrir dans TTC à 20h10 sur RTSUn.

Reportages: Corinne Portier, Claudine Gaillard-Thorent, Aline Inhofer, Marcel Mione, Serge Enderlin, Philippe Lugassy

Rédaction web: Jessica Vial