L'implantation d'Aldi en Suisse, il y a tout juste dix ans, n'a pas fondamentalement fait baisser le niveau des prix en Suisse. Les fédérations de consommateurs se montrent d'ailleurs très déçues. Mais c'est parce que le hard-discounter allemand, tout comme son concurrent Lidl et d'autres, ont parfaitement su s'adapter au marché helvétique.
"Ce sont des entreprises très rusées", note d'emblée David Bosshart, directeur de la fondation Gottlieb Duttweiler, interrogé lundi dans l'émission Forum. "Ils veulent profiter du pouvoir d'achat du client suisse. Donc casser les prix à tout prix, ça ne fait pas beaucoup de sens."
Ce spécialiste du commerce de détail reconnaît qu'il les a considérés à l'époque comme des "terroristes évolutionnaires". Mais ils ne sont pas du tout venus dans cet esprit en Suisse, reconnaît-il aujourd'hui. Ils voulaient prioritairement prendre des parts de marché à Migros et Coop.
Un duopôle trop puissant
Les hard-discounters n'ont pourtant pas réussi à casser le duopôle des deux leaders suisses.
"Les produits alimentaires restent un marché plutôt fermé, l'agriculture joue un rôle important, donc vous n'avez pas - comme dans le non-alimentaire - des prix globaux, mondiaux. Les prix restent des prix nationaux. Et le consommateur est beaucoup plus sensible à tous les besoins régionaux que dans le domaine non-alimentaire", explique David Bosshart.
Pas le prix à tout prix...
Mais l'explication est à trouver aussi auprès des clients, qui ont beaucoup changé, souligne le directeur de la fondation Gottlieb Duttweiler. "En Allemagne, ceux qui ont gagné, ce ne sont pas les hard-discounts, qui sont devenus des supermarchés comme d'autres. Le besoin du client a complètement changé. Il veut un certain choix, il veut la qualité, des produits qui ont une valeur ajoutée. Pas seulement le prix, le prix, le prix…"
Les nouveaux-venus ont sans doute aussi souffert en Suisse d'une mauvaise perception de la qualité de leurs produits. Ce n'est pourtant pas forcément le cas. "Dans l'alimentaire peut-être", estime David Bosshart. Mais "dans le non-alimentaire, on ne peut pas le confirmer."
Pour réagir face aux nouveaux-venus, Migros et Coop ont beaucoup misé sur la durabilité. Et cela nous montre que c'était bien que les hard-discounters - qui n'en sont pas des vrais - viennent en Suisse, parce que cela pousse les autres à innover", souligne l'expert. "L'impact a été vraiment l'innovation, qui s'accélère et qui donne plus de choix aux consommateurs (…) Cela les a incités à faire plus, à se différencier, pour gagner ou regagner la confiance du client. Donc, finalement, c'est une bataille pour obtenir la confiance du client.
La menace est venue d'ailleurs
Pour le directeur de la fondation Gottlieb Duttweiler, la pression vient d'ailleurs sur ce marché du commerce de détail. "Il y a deux batailles dures", explique-t-il. La première a été l'arrivée du smartphone en 2007. "Pour moi, c'est le début d'un changement inouï, jamais vécu auparavant. Cela a tout transformé, parce que l'expérience et les attentes du client ont complètement changé. Désormais, il a tout sur un petit outil très intelligent, qui peut lui donner pratiquement tout en tout temps. Cela va changer complètement le commerce de détail."
La deuxième bataille se joue sur le front du franc fort. "Les gens vont aller faire les achats en Allemagne ou en France. C'est le deuxième aspect encore plus important que la présence des discounters".
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Hard-discounters exemplaires en matière de salaire minimum?
Les hard-discounters misent sur le salaire, parce que c'est un atout, explique David Bosshart. "Mais il faut comparer chiffre d'affaires et niveau des salaires."
Aldi et Lidl versent entre 4 à 6% du chiffre d'affaires pour les salaires, explique-t-il. Or un supermarché traditionnel verse entre 11 à 14%.
"Ce sont des chiffres totalement différents, parce que le niveau du service est différent", précise-t-il.