Le vote sur une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne le 24 juin dernier a engendré des incertitudes sur le marché immobilier commercial britannique. Certaines entreprises, notamment financières, pourraient quitter Londres et laisser libres des surfaces, et contribuer à une chute des prix. Depuis quelques jours, des fonds immobiliers ont suspendu leur activité dans la capitale britannique, face aux demandes de remboursement des investisseurs.
Interrogé mardi dans le Journal du matin de la RTS, Stéphane Garelli, professeur d'économie à la haute école de management IMD et à l'Université de Lausanne, voit dans ce gel des transactions une leçon tirée par les gestionnaires d'actifs après la crise en 2008, où ils avaient fait chuter le marché en vendant en catimini.
Les marchés financiers sont devenus plus transparents et réglementés, et il y a une sensibilité plus grande chez les dirigeants.
"Les marchés financiers sont devenus plus transparents et réglementés, et il y a une sensibilité plus grande chez les dirigeants", analyse-t-il, citant l'exemple du gouvernement italien qui attaque le problème de la fragilité des banques "de manière frontale". "Les Britanniques font la même chose, ils réalisent qu'il y a une bulle immobilière très possible sur la City et sur Londres", estime-t-il.
Bulle immobilière
Y-a-t-il un risque d'éclatement de cette bulle? "Oui, mais pas seule. Il y a le risque d'une réaction en chaîne en Europe, avec le déficit de l'Espagne et du Portugal, la fragilité du système bancaire italien, et l'accumulation des incertitudes, notamment politique, qui fait que le marché est nerveux", analyse Stéphane Garelli.
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Autre source d'inquiétude: le déficit historique de la balance des paiements du Royaume-Uni. "La Grande-Bretagne vit du fait qu'elle attire des investissements, et donc de l'argent financier. Si avec le Brexit ceci devait se tarir, cela serait un gros problème pour le pays".
"Les marchés sont très volatiles et ils ne supportent pas ce qui est imprévisible... or, nous sommes dans une situation imprévisible. Tout va dépendre de ce que les Britanniques vont négocier avec l'Europe. En cas de solution "à la Suisse", avec des bilatérales, Londres restera une place financière importante, avec une pression sur l'immobilier", ajoute Stéphane Garelli.
Banques européennes fragiles
Pour l'économiste, la fragilité des banques européennes, notamment italiennes, pourrait se propager en Europe si elle n'est pas gérée immédiatement. "Environ 20% des prêts en Italie sont à risque, une manière élégante de dire qu'ils ne seront pas remboursés. Cela pourrait poser un problème de contagion en Europe, mais aussi de principe. Certains partenaires européens ne voudront plus payer. Et si le gouvernement les sauve avec de l'argent public, on dira qu'il les a subventionnées et créera un précédent", décrypte Stéphane Garelli.
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Il reconnaît toutefois que depuis 2008, d'importantes protections ont été ajoutées au système financier, et que davantage de fonds propres sont demandés aux banques. "Il y a presque trop de réformes", s'amuse-t-il.
La Suisse en concurrence avec Dublin
L'économiste souligne encore la force de la place financière suisse et l'excellente réputation dont elle jouit à l'étranger. A ce titre, selon lui, le Brexit pourrait faire se croiser davantage les chemins de la Suisse et de la Grande-Bretagne, même si "une alliance avec la Suisse ne sera pas une priorité pour les Britanniques, qui essaieront d'abord de se sauver eux-même".
"On risque beaucoup plus de voir des entreprises financières britanniques s'installer en Suisse. Mais son grand concurrent est Dublin", déclare-t-il. "Les institutions qui quitteraient la City le feront pour avoir accès au marché européen, or, la Suisse doit renégocier ses accords bilatéraux en 2017. De plus, l'Irlande est un grand centre financier, n'a pas de contentieux avec Bruxelles, est proche de Londres, on y parle la même langue.... mais cela va créer, pour revenir au départ, une bulle immobilière à Dublin", conclut Stéphane Garelli.
jvia