Le désamour des investisseurs pour Deutsche Bank n'est pas nouveau mais s'est encore accentué ces derniers jours. Vendredi, l'action a momentanément plongé de plus de 8%, atteignant son plus bas niveau historique, passant sous les 10 euros avant de se reprendre.
Avec plus de 100 milliards d'euros à son bilan et 100'000 salariés, Deutsche Bank est un mastodonte aux pieds d'argile. Depuis le début de l'année, le titre a perdu plus de 50% et la banque a vu s'envoler plus de 16 milliards d'euros de capitalisation boursière.
La crise actuelle a été déclenchée mi-septembre par la somme de 14 milliards de dollars réclamée par la justice américaine à la banque allemande pour solder un ancien litige aux Etats-Unis lié à la crise des subprimes.
"Le principal facteur de risque pour le système financier"
Le groupe devrait parvenir à faire baisser la facture - une source proche du dossier a évoqué vendredi un montant de 5,4 milliards - mais des craintes existent sur le fait qu'il ne puisse pas faire face à ses obligations, ce qui l'obligerait à lever des capitaux, une mission qui pourrait s'annoncer périlleuse.
Pour illustrer le risque entourant Deutsche Bank, le Fonds monétaire international (FMI) a déclaré en juin que l'institution de Francfort représentait le principal facteur de risque pour le système financier mondial vu ses liens avec les plus grandes banques mondiales.
La forte exposition de la banque aux produits dérivés, ces instruments financiers utilisés pour couvrir les risques liés à la spéculation, inquiète également les investisseurs.
Un nouveau Lehman Brothers?
Deutsche Bank est exposée aux produits dérivés à hauteur de 46'000 milliards (soit plus de treize fois le PIB de l'Allemagne), selon ses comptes 2015, soit une exposition nette de 20 milliards, car quand un engagement est pris sur un produit dérivé, la banque achète une "assurance" pour se protéger.
De nombreux observateurs se posent actuellement la question de savoir s'il faut faire un parallèle avec une autre grande banque, Lehman Brothers, dont la faillite en 2008 avait plongé la finance mondiale dans le chaos.
En 2007, l'exposition nette de Lehman Brothers à ces "armes financières de destruction massive", selon l'expression du milliardaire Warren Buffet, était de "seulement" 2,93 milliards de dollars.
Autrement dit, si Deutsche Bank devait se retrouver en grandes difficultés, il serait difficile de la renflouer, ce qui conduirait à une contagion dans le système financier allemand et par effet de domino au système financier mondial.
mre avec agences
Doutes autour d'un éventuel plan de sauvetage
Le ministère allemand des Finances a démenti mercredi un article de l'hebdomadaire "Die Zeit", selon lequel les autorités ont commencé à échafauder un plan de sauvetage dans l'éventualité où Deutsche Bank serait incapable de lever seule les capitaux nécessaires pour couvrir le coût du litige américain.
"Le gouvernement ne prépare pas de plan de sauvetage. De telles spéculations ne sont pas fondées", a clairement déclaré le ministère des Finances dans un communiqué.
Le patron du groupe, John Cryan, a quant à lui choisi le journal le plus lu d'Allemagne, Bild, pour essayer de faire taire les rumeurs: une aide de l'Etat "n'est pas un sujet pour nous", a-t-il dit, affirmant n'avoir jamais fait une demande en ce sens auprès de la chancelière Angela Merkel.
Deutsche Bank doit trouver les moyens de survivre "par elle-même", donc sans le soutien de l'Etat allemand, a déclaré de son côté vendredi le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem.
Un nouvel environnement pour les banques
Si la menace de l'amende américaine a joué un rôle de déclencheur dans les soubresauts de cette semaine, l'environnement dans lequel les banques ont à opérer actuellement provoque les craintes des investisseurs.
Première difficulté: les taux bas persistants, qui rognent les marges des établissements et brident leur profitabilité. Un phénomène encouragé par les banques centrales, qui incitent les banques à prêter à leurs clients. Pour cela, elles ont entrepris de faire payer les banques lorsqu'elles déposent de l'argent dans leurs coffres plutôt que de l'injecter dans l'économie réelle.
C'est d'ailleurs le monolithisme de leur modèle d'affaires que paient aujourd'hui les banques allemandes, qui traditionnellement tirent leurs bénéfices des produits des intérêts mais, en période de taux négatifs, voient leurs dépôts auprès de la Banque centrale européenne leur être facturés.
Des surcoûts qu'elles- comme d'autres banques européennes - comptent répercuter auprès de leurs clients notamment via l'augmentation des frais bancaires ou la taxation des dépôts des entreprises et institutions.