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Jean-Pierre Roth: "Introduire un nouveau taux plancher serait irresponsable"

Jean-Pierre Roth: "Un nouveau taux plancher serait irresponsable"
Jean-Pierre Roth: "Un nouveau taux plancher serait irresponsable" / L'actu en vidéo / 5 min. / le 16 janvier 2017
L'ex-président de la Banque nationale suisse (BNS) Jean-Pierre Roth a répondu lundi aux demandes de réintroduction du taux plancher, deux ans après son abandon. Il qualifie cette entreprise d'illusoire et d'irresponsable.

"J'ai entendu qu'une analyse a été faite pour réintroduire un cours artificiel. Mais ces choses ne se commandent pas par un dictat", a affirmé Jean-Pierre Roth, actuel président de la Banque cantonale de Genève, invité du Journal du Matin.

Il répondait ainsi à la demande de Johann Schneider-Ammann, chef du Département fédéral de l'économie, qui a plaidé samedi dans la NZZ pour un taux de 1,15 franc, contre 1,07 actuellement.

"Je crois qu'il faut vivre avec le cours tel qu'il est. D'autant qu'entre 1,07 et 1,15, il y a une différence de 0,8 centime, ce n'est pas ça qui va changer le visage de l'économie suisse", ajoute celui qui a présidé la BNS de 2006 à 2009.

"L'introduire était une bonne décision"

Jean-Pierre Roth estime toutefois que l'introduction d'un taux plancher était une bonne décision en 2011. "Il y avait une crise de l'euro et la monnaie chutait. Il fallait se défendre." Selon lui, la BNS avait parié que la crise allait être temporaire, et que le plancher serait une mesure de défense dont l'utilité disparaîtrait, avec un retour normal de l'euro au-dessus de 1,20 franc.

"Nous aurions ainsi oublié le plancher, de la même manière que l'on avait oublié le plancher mis en place dans les années 1970 face au Mark allemand", explique-t-il.

Mais en 2014, force est de constater que les choses évoluaient différemment. L'Europe ne s'en remettait pas et la Banque centrale européenne (BCE) suivait une politique d'affaiblissement de la monnaie, rappelle le président de la Banque cantonale genevoise. "Le plancher n'allait pas pouvoir être tenu. La faiblesse allait être durable. Il fallait donc supprimer le plus vite possible ce plancher."

Les banques centrales, "oreiller de paresse des politiciens"

Interrogé sur les liens que la BNS doit ou non entretenir avec les politiques, Jean-Pierre Roth rappelle la loi, qui stipule que la banque centrale ne doit pas rendre compte ni prendre conseil auprès des politiques. "Les politiciens ont d'autres objectifs que ceux de la BNS, qui a pour mission d'assurer la stabilité monétaire et l'encadrement monétaire du pays."

Il estime par ailleurs que ces dernières années, "les banquiers centraux ont été l'oreiller de paresse des politiciens. Dans bien des pays, on a espéré que la banque centrale allait tout régler et on a renoncé à faire des réformes au niveau national. Cela a été le cas notamment pour la Banque centrale européenne."

La résilience de la Suisse a par ailleurs été saluée par le Valaisan, qui l'explique par une économie très diversifiée, ancrée sur des marchés globalisés. "Ces entreprises ont pris des mesures pour faire face à de nouvelles situations. Il faut encourager cette flexibilité de l'économie et non pas l'entraver." Dans ce sens, les sujets à l'ordre du jour, comme la réforme de la fiscalité des entreprises, "sont très importants pour assurer la pérennité de notre succès", conclut Jean-Pierre Roth.

>> Regarder l'intégrale de l'interview de Jean-Pierre Roth, qui évoque également les relations entre la Suisse et la Chine, ainsi que les risques des politiques protectionnistes dans le monde :

Jean-Pierre Roth (ici, en 2009). [Keystone - Salvatore di Nolfi]
L'invité de la rédaction - Jean-Pierre Roth / Le Journal du matin / 21 min. / le 16 janvier 2017

fme

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