La réforme RIE III veut supprimer l'imposition à taux réduit dont bénéficient les sociétés à statut spécial. Elle vise à améliorer l'acceptation du régime suisse d'imposition par la communauté internationale.
Comme la RIE II, cette troisième réforme aura un coût pour les finances publiques. Ses opposants, menés notamment par le PS et Les Verts, l'ont chiffré à 2,7 milliards par an. Lors d'un débat dans l'émission Infrarouge, le conseiller national Christian Lüscher (PLR/GE), qui soutient la réforme, avait jugé ce chiffre "extrêmement pessimiste".
>> Relire le compte rendu de l'émission : RIE III, catastrophe à venir ou bienfait pour l'économie?
Perte de 3,2 milliards
Selon le 19h30, ce chiffre serait, au contraire, un minimum. Rien que pour les recettes fiscales de la Confédération, la réforme devrait coûter environ 1,3 milliard de francs dès 2019, estime l'administration fédérale.
A cela s'ajoutent les pertes de recettes fiscales dans les cantons et les communes. Or, une dizaine de cantons ont déjà réalisé des projections, dont le montant total est estimé 1,9 milliard. Soit un total de 3,2 milliards. Un montant auquel devraient s'ajouter les pertes des autres cantons.
Cette réforme est un changement fondamental dans la manière de taxer les entreprises. Elle déploierait des effets à long terme, difficiles à mesurer aujourd'hui. Les citoyens doivent donc faire un pari qui repose plus sur des convictions que sur des faits.
L'ombre de la RIE II
Le 24 février 2008, les Suisses ont accepté de justesse, avec 20'000 voix d'écart, la deuxième réforme de l'imposition des entreprises. La facture était estimée par Hans-Rudolf Merz, alors chef du Département fédéral des finances, à quelques dizaines de millions de francs.
Mais cette somme était nettement sous-estimée, à en croire le Conseil fédéral lui-même, qui a réévalué en 2011 des pertes de près de 7 milliards sur 10 ans. Aujourd'hui, l'administration fédérale reconnaît une perte de 800 millions à 1 milliard par an.
De son côté, l'Union syndicale suisse (USS) a calculé à fin décembre 2016 des pertes fiscales se situant entre 1,5 et 2,2 milliards par an, auxquels s'ajoute un manque à gagner cumulé de 2 milliards pour l'AVS. (voir encadré).
Le Tribunal fédéral, qui avait été saisi par le Parti socialiste accusant le Conseil fédéral d'avoir menti, a toutefois renoncé à faire revoter les citoyens, bien qu'il ait admis que de "fausses informations" ont pu influencer le résultat du scrutin de 2008.
Des avantages non chiffrés
Quant aux avantages de cette deuxième réforme de l'imposition des entreprises sur la place économique suisse, "ils n'ont pas pu être chiffrés", admet l'Administration fédérale des contributions (AFC). "L'économie bénéficie de l'accumulation du capital par les entreprises, ce qui mène à davantage d'investissement", soutient-elle.
L'USS considère pour sa part que "le vecteur principal de l'augmentation des recettes a été l'augmentation des bénéfices des entreprises ou la libre circulation des personnes, qui a permis de maintenir la compétitivité de la Suisse". La RIE II, elle, n'aurait pas vraiment profité aux entreprises, mais à leurs actionnaires.
Linda Bourget/Loïs Siggen Lopez/Feriel Mestiri
L'AVS "pénalisée de 2 milliards" après la RIE II
Les estimations du coût de la RIE II ont été très différentes de la réalité pour plusieurs points, notamment sur les conséquences du changement de l'imposition des dividendes sur les finances de l'AVS, a noté l'USS dans une analyse, publiée en décembre.
Le Conseil fédéral avait chiffré les pertes pour l'AVS entre 86 et 130 millions. "Dans les faits, l'AVS a dû se passer de presque le double de cette somme parce que les propriétaires de sociétés anonymes, au lieu de se verser un salaire soumis à l'AVS, ont préféré se rémunérer avec des dividendes exempts d'impôts". Jusqu'à 2015, il a ainsi manqué à l'AVS entre 2,1 et 2,45 milliards.