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L'inventeur des intérêts notionnels en tire un bilan mitigé en Belgique

Bruno Colmant (ici, en 2010). [Reuters - Thierry Roge]
Les intérêts notionnels au cœur de la campagne sur la RIE III / Forum / 8 min. / le 2 février 2017
Cible favorite des opposants à la RIE III, les intérêts notionnels sont au cœur de la campagne avant la votation du 12 février. Mais le père de cette mesure fiscale tire un bilan en demi-teinte de leur introduction en Belgique.

La réforme sur laquelle le peuple doit se prononcer permet aux sociétés d'appliquer la possibilité, pour une entreprise qui paie cash, de déduire des intérêts. Les opposants à RIE III en ont fait le symbole d'un projet jugé trop lourd pour le contribuable. Et même certains partisans reconnaissent que ce point peut être problématique. Plusieurs cantons ont d'ailleurs indiqué qu'ils n'appliqueront pas ces intérêts notionnels.

"Une idée purement académique"

Jusqu'ici, la Belgique est le seul pays à avoir appliqué cet outil de façon généralisée. L'objectif, lors de son introduction en 2005, était de favoriser la recapitalisation des PME.

"C'est une idée purement académique que j'ai eu en 1999" a expliqué dans l'émission Forum l'inventeur de cette mesure fiscale, le professeur belge Bruno Colmant. "Cette idée était de stimuler la recapitalisation des entreprises en permettant de déduire de manière fiscale, donc notionnelle, le taux d'intérêt appliqué aux capitaux propres."

Entreprises plus riches mais pas plus d'emplois

Appliquée à toutes les entreprises belges, "elle a créé un effet d'aubaine qui n'était parfois pas justifié", constate-t-il. "Et l'autre problème qui s'est présenté, c'est qu'il n'y avait aucune condition en matière de création d'emplois ou de nouveaux investissements. Et donc finalement, les entreprises se sont enrichies, une grande partie de cet argent est reparti sous forme de dividendes chez les actionnaires. Cela a sans doute conduit à consolider des entreprises mais sans doute pas à créer de manière massive des emplois ou des investissements."

Aujourd'hui, avec la baisse des taux d'intérêts qui diminue l'attractivité des taux notionnels, beaucoup d'entreprises quittent la Belgique, constate encore Bruno Colmant. "C'est une mesure qui est utile en haute conjoncture, quand les taux d'intérêts sont élevés. Par contre en période d'intérêts bas voire négatifs, c'est plutôt l'investissement et l'emploi qu'il faut privilégier."

"Je suis étonné que la Suisse pense à cette mesure"

Le professeur à la Solvay Business School estime donc que l'introduction de ces intérêts notionnels via la RIE III n'intervient pas au bon moment.

"Je dois vous confesser que je suis étonné que ce soit justement la Suisse qui pense à cette mesure, parce qu'avec des taux d'intérêt négatifs vous êtes dans un contexte tout-à-fait exceptionnel et je pense plutôt que ce qui devrait être stimulé c'est la consolidation de l'emploi local voire de l'industrialisation des entreprises (…) plutôt que le financement des entreprises."

Olivier Angehrn

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