Publié

"La mondialisation n'a pas profité aux pauvres et aux classes moyennes"

Tancrède Voituriez, écrivain et économiste spécialiste du commerce agricole et du développement. [RTS]
L'invité de la rédaction – Tancrède Voituriez, écrivain et économiste / L'invité de la rédaction / 23 min. / le 27 février 2017
Les règles de la mondialisation ont changé ces 15 dernières années, laissant toute une partie de la population sur le carreau, analyse l'économiste français Tancrède Voituriez lundi dans le Journal du Matin de la RTS.

"Depuis 15 ans et l'accession de la Chine à l'OMC, le commerce se fait de plus en plus entre pays riches et pays en développement, alors que pendant toute la deuxième moitié du 20e siècle, il s'est surtout fait entre pays riches, avec quelques échanges avec les pays en développement pour des produits exotiques ou des textiles bon marché", explique Tancrède Voituriez, écrivain et économiste spécialiste du commerce agricole et du développement.

C'est un grand bouleversement, car maintenant "on commerce avec des pays dans lesquels les niveaux de salaires peuvent être jusqu'à dix fois inférieurs à ceux de l'OCDE". Et si au départ, la Chine exportait des produits bon marché, elle a ensuite vendu des panneaux solaires et maintenant des hélicoptères, énumère Tancrède Voituriez. Cette évolution met sous pression les salaires de personnes qui se croyaient protégées de la mondialisation par leurs qualifications.

Nouvelles technologies et nouvelle donne

En outre, les technologies de l'information ont bouleversé le modèle des économies des pays riches, surtout basées sur les services. En rendant des services accessibles partout dans le monde, la concurrence s'est accrue, avec une pression sur les salaires.

La mondialisation a surtout profité aux super-riches et aux classes moyennes aisées des pays émergents

Tancrède Voituriez, écrivain et économiste

Du coup, entre 1985 et 2010, la mondialisation a surtout profité aux super-riches et aux classes moyennes aisées des pays émergents comme la Chine et l'Inde, tandis que les très pauvres et les classes moyennes inférieures de nos pays ont vu leurs revenus stagner ou baisser, résume Tancrède Voituriez.

Protéger les personnes et non les marchés

Idéalement il faudrait protéger les personnes et non les marchés, suggère l'économiste français. "Mais c'est compliqué de rassurer chacun sur le fait que tout au long de sa vie il trouvera un travail et une rémunération suffisante".

Le revenu universel évoqué par le candidat socialiste à la présidentielle Benoît Hamon en France est une piste, "peut-être pas la bonne", face au défi  d'assurer un flux de revenus à des personnes qui seront peut-être exclues de la vie active. C'est envisager que la protection des personnes passe non pas par le fait de trouver un travail mais d'assurer un revenu, selon cet expert.

Un mouvement qui est encore renforcé par la robotisation, que Tancrède Voituriez juge liée à la mondialisation. Et l'avènement de robots toujours plus intelligents menace des emplois toujours plus spécialisés.

cab

Publié

La mondialisation n'est pas irréversible, l'histoire le prouve.

Il y a eu des périodes de mondialisation très importantes, comme au milieu du 19e siècle avec la Grande-Bretagne, après la Première Guerre mondiale jusqu'au crash de 1929, vous aviez du protectionnisme comme jamais dans les années 30 et 20 ou 30 ans plus tard le monde était à nouveau mondialisé.

La mondialisation ne dépend plus seulement des grands pays européens et des USA, mais les pays émergents, comme le Brésil, la Chine et l'Inde ont aussi leur mot à dire.