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La guerre de la cigarette du futur et son tabac chauffé se joue en Suisse

Dossier: Cigarettes
Dossier: Cigarettes / T.T.C. (Toutes taxes comprises) / 9 min. / le 10 avril 2017
L'émission TTC a visité "Le cube", à Serrières (NE), où Philip Morris développe une cigarette dont le tabac ne sera plus brûlé, mais chauffé. BAT a lui choisi le marché suisse pour lancer son produit sans combustion.

C'est à Zurich que le géant américain du tabac British American Tobacco (BAT) a choisi de lancer sa cigarette nouvelle génération. Pour cela, il mise énormément sur "Glo", un appareil électronique dans lequel on glisse un bâtonnet de tabac. Le tabac n’est alors pas brûlé, mais chauffé. Pour BAT, c'est l’avenir, car selon ses propres études, la fumée dégagée par cette nouvelle cigarette est moins nocive que celle d'une cigarette ordinaire.

"Réduire la température, en chauffant le tabac à seulement 140 degrés, permet de diminuer les substances toxiques de manière conséquente", affirme lundi dans TTC le Dr Christopher Proctor, chef scientifique de BAT.

Nouveaux produits

La Suisse est le deuxième marché test du groupe américain, après le Japon. "A quelle vitesse les fumeurs vont-ils adopter ces nouveaux produits, à quel point vont-ils être séduits? C'est très difficile à anticiper", admet Ralf Wittenberg, le directeur général de BAT Suisse. Le groupe ambitionne de devenir leader dans ces nouveaux produits. Mais il n’est pas le seul.

Notre objectif est que les produits à base de tabac chauffé remplacent à terme les cigarettes conventionnelles

Julian Pidoux, porte-parole de Philip Morris

A moins de 200 kilomètres de là, à Serrières, au bord du lac de Neuchâtel, un concurrent, Philip Morris, développe un produit similaire: "Iqos." Cette cigarette aussi chauffe le tabac. Elle a été développée dans "Le cube", un centre de recherche géant où travaillent près de 400 scientifiques. Un véritable coffre-fort hyper-sécurisé.

"Stratégie de survie"

"Notre objectif est que les produits à base de tabac chauffé remplacent à terme les cigarettes conventionnelles", indique Julian Pidoux, porte-parole de Philip Morris. Bien qu'il reste encore 1 milliard de fumeurs sur la planète, le nombre d'adeptes de la cigarette baisse chaque année, de l'ordre de 2% à 3%. Chez les industriels, c’est donc la course à qui raflera la mise sur les nouveaux produits.

Ce virage industriel ne suscite toutefois pas l'enthousiasme de tout le monde. "Historiquement, l’industrie du tabac n’est pas innovante, elle ne fait pas beaucoup de recherche", observe Claude Jeanrenaud. Pour ce professeur d'économie à l'Université de Neuchâtel, la dernière innovation remonte à l'invention du filtre, dans les années 1960. L'expert compare ainsi l'actuel virage technologique des géants du tabac à "une stratégie de survie".

Valérie Demierre

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La Suisse, paradis des cigarettiers

L’industrie du tabac fait vivre 13'000 personnes en Suisse. Elle rapporte 6,5 milliards de francs chaque année, soit 1% du produit intérieur brut (PIB). Ici, il n'est pas question d’imposer un emballage dissuasif comme en France et en Angleterre ou d’augmenter les prix.

La Suisse est l'un des derniers pays au monde à ne pas remplir les exigences anti-tabac de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

En 2016, le conseiller fédéral Alain Berset avait proposé une loi fédérale interdisant la vente de cigarettes aux mineurs et limitant la publicité. Sans succès, le Parlement lui a retourné la copie. Une nouvelle mouture sera proposée ces prochaines années et ne pourra être appliquée en 2022 au plus tôt.

Pour Addiction Suisse, le rejet de cette loi fédérale s'explique par l'influence des lobbys du tabac. "On doit plutôt responsabiliser les gens par de la prévention", préconise Corine Kibora, porte-parole d'Addiction Suisse.

Un univers dominé par quatre géants

L’univers du tabac est dominé par quatre géants: China National Tobacco, Philip Morris, BAT et Japan Tobacco, dont le siège mondial a été inauguré en octobre 2015 à Genève.

Ensemble, ils détiennent 80% du marché de la cigarette traditionnelle.

Pour certains, le nouveau virage technologique pourrait engendrer un phénomène de concentration plus aigu encore. Seules les entreprises avec des moyens financiers conséquents peuvent s'y lancer.