L'Internationale face à la multinationale, le duel Brabeck-Ziegler

Comment éradiquer la faim dans le monde?

La faim dans le monde est causée par les hommes, affirme Jean Ziegler. L'ancien rapporteur de l'ONU pointe notamment la responsabilité de la spéculation boursière sur les aliments de base, comme le riz, le maïs et le blé, "qui fait exploser les prix". Autre problème, l'endettement des Etats pauvres comme ceux du Sahel: "Il faut désendetter totalement ces Etats et vous sauvez des millions de personnes".

Pour Peter Brabeck, dont le géant agro-alimentaire Nestlé est accusé de favoriser ce système, il est possible de créer de la valeur pour les actionnaires et pour la société en général: "On a réduit la faim dans le monde de moitié ces 15 dernières années. Il y a encore beaucoup trop d'enfants qui meurent de faim, mais on l'a quand même diminuée substantiellement. Est-ce qu'on peut l'éradiquer? J'en suis convaincu".

Salaires et bonus faramineux: pillage?

Pourquoi des patrons de sociétés comme Nestlé gagnent jusqu'à 30 fois plus qu'un conseiller fédéral? "Je trouve, qu'avec ses responsabilités, un conseiller fédéral est mal payé", rétorque Peter Brabeck.

Plus que les salaires, Jean Ziegler - qui trouve que 500'000 francs par an c'est déjà "beaucoup trop" pour un conseiller fédéral - s'indigne surtout des bonus distribués par les grandes banques, notamment ceux de Credit Suisse, qui a affiché récemment de lourdes pertes et a vu son action chuter en bourse. Malgré cette situation, "ils empochent des bonus de 10 millions. Comment est-ce possible qu'on n'interdise pas cela? (...) C'est un pillage des entreprises."

"Tant que la rémunération est liée à la performance de l'entreprise, on ne peut pas parler de pillage", nuance Peter Brabeck. Il précise avoir toujours touché ses bonus sous la forme d'actions de Nestlé.

Les multinationales plus puissantes que les Etats?

Autre point de discorde entre les deux hommes, la question du pouvoir. Peter Brabeck dit ne pas en avoir, alors que Jean Ziegler dénonce la "dictature" des géants comme Nestlé.

"Ces 500 multinationales privées ont contrôlé l'an passé 52,8% du PIB mondial, les richesses créées sur la planète. Vous êtes beaucoup plus puissants que les Etats les plus puissants et vous échappez à tout contrôle", accuse le socialiste.

"Si le président vénézuélien Maduro décide demain matin de nationaliser Nestlé, qui a le pouvoir? Lui ou moi?", tempère Peter Brabeck. Et d'ajouter: "Tant qu'il y a un Jean Ziegler, on n'échappe pas au contrôle."

vtom