Le 12 mai 2010, Bombardier, qui a annoncé jeudi la suppression de 650 postes à Zurich et Villeneuve, décroche le "contrat du siècle" des CFF. Préférée au producteur suisse Stadler Rail pour livrer 59 rames -un contrat d'un montant de 1,9 milliard de francs-, l’entreprise canadienne s'engage alors à effectuer 60% de la commande en Suisse.
Selon les informations de la RTS, cet engagement n’a pas été tenu. Le GIM (Groupement suisse de l’industrie mécanique) a essayé pendant des années de mettre en relations fournisseurs et sous-traitants suisses avec l’entreprise canadienne, en vain. "On nous a menés par le bout du nez", a déclaré l'un des responsables du GIM, qui n’a connaissance d’aucune entreprise romande ayant travaillé sur la fameuse commande des CFF.
Du côté de Swissrail, les industriels du domaine ferroviaire, le jugement est à peine meilleur. Ils relèvent que tous les gros contrats ont échappé à la Suisse. Ainsi, Siemens a-t-il été préféré à ABB pour les transformateurs. Les caisses de wagons en aluminium ont quant à elles été produites en Chine, alors que la référence mondiale en la matière, Alcan, se trouve à Sierre (VS).
Quatre ans de retard
Bombardier n’a pas non plus tenu les délais pour la livraison des trains. Les premiers auraient dû être livrés fin 2013, mais ce ne sera pas avant la fin 2017 au mieux, si les tests actuellement menés avec les premières rames se passent bien.
Il faut préciser que les CFF ont leur part de responsabilité dans ces quatre ans de retard, l’espace pour les passagers en situation de handicap ayant été mal conçu.
Reste que Bombardier a été confronté à un problème de conception des caisses en aluminium commandées en Chine. L'entreprise a d'ailleurs reconnu sa responsabilité en acceptant de livrer trois rames gratuitement aux CFF.
L'avenir du site de Villeneuve en question
Au sein de la division Bombardier Transport (plus de 37'000 employés), le site de Villeneuve (VD) apparaît très peu profilé. Il a été principalement utilisé pour assembler les voitures intermédiaires des rames, les composants de ces voitures étant fabriqués ailleurs.
Le site vaudois peine à faire le poids face au gigantesque centre de production de Görlitz, en Allemagne, où les premières rames ont été produites avant que Bombardier ne transfère certains savoirs-faire en Suisse.
Autre atout de Görlitz: l’usine est entourée de tout un réseau de sous-traitants du domaine ferroviaire, des synergies qui font cruellement défaut sur le site vaudois.
Une option pour 100 trains supplémentaires
Le contrat de 2010 prévoit 100 trains de plus. La commande est loin d’être gagnée au vu des promesses non tenues par Bombardier notamment en matière de délais.
Sans cette commande, le groupe canadien risque bien de fermer le site de Villeneuve, alors que 100 rames de plus fourniraient du travail jusqu’en 2029, comme l’avait précisé à la RTS Stéphane Wettstein, directeur de Bombardier Suisse.
Nicolas Rossé
Les politiques romands avaient plaidé en faveur de Bombardier
Lors de l’attribution du fameux contrat des CFF, plusieurs élus cantonaux et fédéraux romands s’étaient engagés en faveur de Bombardier, rappelant son importance pour la région de Villeneuve et plus généralement pour l’industrie romande. Force est de constater que les Romands n’ont pas forcément misé sur le bon candidat, les retombées de la commande étant très faibles pour la Suisse romande.
Stadler Rail, un partenariat modèle
Ce constat amer contraste avec la politique suivie par Stadler Rail. Lorsque l’entreprise suisse avait décroché une grosse commande pour livrer plusieurs compagnies régionales, elle s’était engagée à dépenser 40 millions en Suisse romande auprès de différents fournisseurs. Et, selon le GIM, la collaboration avec Stadler Rail a été un modèle du genre.
L’entreprise a régulièrement communiqué ses les contrats en cours et son patron Peter Spuhler s’est personnellement déplacé à plusieurs reprises pour rencontrer les industriels romands. Au final, le niveau de commande prévu pour la Suisse romande a été tenu par l’entreprise thurgovienne.
Alors que les partisans de Bombardier avaient mis en doute les capacités de Stadler Rail à honorer la commande des CFF dans les délais, il n’a fallu à l'entreprise suisse que 2 ans et demi, à partir de la commande, pour faire rouler son tout premier train à grande vitesse.