Criblé de pertes comme son pendant français Areva, Westinghouse partage avec lui le même cauchemar: les retards ruineux pris dans la construction de leurs nouvelles générations de centrales nucléaires. Les chantiers des EPR d’Areva en France et en Finlande ont creusé des milliards d’euros de pertes. Westinghouse vit les mêmes problèmes avec ses AP1000 aux Etats-Unis: un trou de 8 milliards de dollars que son propriétaire Toshiba devra éponger, contraint pour cela de se séparer de sa division semi-conducteurs, véritable joyau du conglomérat japonais.
L’ardoise des retards pris par Westinghouse sera aussi à la charge des consommateurs. "Les prix dans l’Etat de Géorgie seront amenés à augmenter de 6 à 12%", estime Bastien Dublanc, analyste spécialiste de l’énergie chez Lombard Odier. Selon lui, Westinghouse et Areva ont pris "des risques très importants sur la construction de centrales clé-en-main à prix forfaitaires. Or, cela faisait une bonne vingtaine d'années que ce type de projet n'avait pas été mené à bien" en Europe et aux Etats-Unis.
Propriétaires de centrales suisses pas inquiets
En Suisse, Westinghouse est un des principaux fournisseurs de combustible, de pièces et de services pour les centrales nucléaires. Westinghouse a par exemple livré à Axpo les couvercles de cuve des réacteurs de Beznau pour près de 120 millions de francs en 2013. Mais les propriétaires des centrales suisses ne se montrent pas inquiets de la situation actuelle de Westinghouse. Pour eux, la procédure en cours aux Etats-Unis sera l’occasion pour l’entreprise de se remettre sur de bons rails.
L’avenir des géants nucléaires français et américains pourrait pourrait d’ailleurs passer par le marché du démantèlement des usines atomiques. En Europe et aux Etats-Unis, le parc nucléaire est vieillissant. "Les acteurs chinois sont devenus extrêmement compétitifs. L'avenir, pour les groupes type Westinghouse ou Areva, sera surtout sur le démantèlement des centrales qui ont été installées à partir des années 60", estime Bastien Dublanc.
Depuis une quinzaine d’années en effet, le marché nucléaire s’est développé en Asie, au Moyen-Orient et en Europe Centrale. Vingt réacteurs sont actuellement en construction en Chine. La prévalence des géants historiques y est remise en question par le savoir-faire des entreprises chinoises et russes.
L’histoire de Westinghouse en Suisse remonte à la construction de la première centrale atomique du pays : Beznau I. Le groupe américain fut le maître d’ouvrage de ce chantier où œuvrèrent ses propres ingénieurs, notamment lors de la livraison en 1967 du cœur et des générateurs de vapeur de la centrale, comme en attestent les archives de la RTS. L’importation de la technologie nucléaire américaine avait été rendue possible suite à l’accord du 21 juin 1956 entre la Suisse et les Etats-Unis.
Pascal Jeannerat/jvia
Démantèlement en Suisse
En Suisse, le démantèlement de la centrale de Mühleberg est d’ores et déjà planifié par le groupe BKW. L’usine sera mise à l’arrêt en 2019. "C’est un projet de référence pour la branche", explique l’entreprise, qui ne précise pas quels seront les partenaires de ce projet.
Outre Westinghouse et AREVA et d’autres groupes seront sur les rangs. Alpiq par exemple s’est positionnée sur ce marché en créant en 2015 Swiss Decommissioning AG en partenariat avec une de ses filiales allemandes.
Selon les estimations de swissnuclear fin 2016, la désaffectation des centrales nucléaires suisses devrait coûter 22,8 milliards de francs.