Le constat a été dressé lundi par l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) et le Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales (SFI).
Dans le cadre de l'application de l'accord de Paris pour maintenir le réchauffement climatique à 2 degrés, la Confédération a proposé à toutes les caisses de pension et aux assurances d'analyser gratuitement leurs portefeuilles d'actions et d'obligations. 79 d'entre elles, représentant deux tiers du patrimoine géré, se sont prêtées au jeu et le résultat est globalement mitigé.
L'investissement traditionnel accentue le réchauffement
Berne veut donc pousser les caisses de pension à investir de manière plus durable mais sur une base volontaire, assure l'OFEV. Car, avec les décisions d'investissement prises jusqu'ici, il faut s'attendre à un réchauffement climatique allant de 4 à 6 degrés - loin de la limite des 2 degrés. Les caisses de pension et les assurances peuvent donc mieux faire.
"En investissant de manière tout à fait traditionnelle dans les marchés financiers, on expose nos investissements à des sociétés qui émettent beaucoup de CO2", explique Angela de Wolff, conseillère en gestion durable (Sustainable Finance Geneva), invitée mardi de La Matinale de la RTS. "Par conséquent, l'investissement traditionnel, sans considération durable, nous amène à une hausse de la température qui sera plutôt de 6 degrés. (...) L'investisseur peut aujourd'hui anticiper et choisir de soutenir une économie qui soit plus verte."
Les caisses de pension suisses en retard
"La Suisse est un peu en retard dans l'intégration des facteurs durables dans la politique des placements", rappelle de son côté Michel Girardin, professeur d'économie à l'Université de Genève. "A peu près 20% des caisses de pension s'y sont mises, alors que dans les pays nordiques, la proportion atteint 70%."
Mais les caisses suisses - qui étaient les premières à s'intéresser à la finance durable - vont encore intensifier leurs efforts, car le succès de l'initiative Minder agit comme une piqûre de rappel.
Le spectre d'une obligation politique
"Cette peur arrive, dans la mesure où maintenant on sait que la rentabilité est là", constate Jean Laville, directeur adjoint de l'association Swiss Sustainable Finance. "Donc on comprend mal pourquoi les caisses de pension ne vont pas plus de l'avant. Collectivement, il y a un peu une crainte dans le milieu d'une certaine "mindérisation". C'est-à-dire que le législateur - on a vu des initiatives de parlements cantonaux le faire à Genève ou dans le canton de Vaud - va tout d'un coup dans la loi obliger les caisses de pension à suivre ce genre de politique."
Avec l'arrivée d'une nouvelle génération, les investisseurs privés sont aussi de plus en plus soucieux de l'impact de leurs investissements sur l'économie réelle. Après la digitalisation, il s'agit même de la deuxième préoccupation de la clientèle des banques privées.
Esther Coquoz/oang/ebz
La finance durable, un investissement "intelligent"
"La finance classique se concentre essentiellement dans les prises de décision - que ce soit de financement ou d'investissement - sur des considérations financières, sur le rendement", rappelle Angela de Wolff.
La finance durable s'assure aussi une rentabilité mais évalue également les impacts sociaux et environnementaux des décisions que l'on prend du point de vue de l'investissement ou du financement.
"C'est une manière d'investir intelligemment - c'est-à-dire investir dans l'avenir, dans des technologies de demain, dans les sociétés qui seront le mieux positionnées demain parce qu'elles intégrent déjà aujourd'hui les enjeux du développement durable, et donc naturellement cette intelligence, ou cet investissement fondamental, se traduit également avec des performances en ligne avec les marchés."