S'appuyant sur une nouvelle fuite massive de documents, l'enquête internationale baptisée "Paradise Papers" met en lumière l'optimisation fiscale dont bénéficient de nombreuses personnalités ou sociétés. Le point sur les révélations.
Les Français Bernard Arnault et Jean-Jacques Annaud visés par les "Paradise Papers"
Le milliardaire Bernard Arnault aussi concerné
Un terrain et des yachts grâce au offshore
Selon les Paradise Papers, le milliardaire Bernard Arnault a aussi eu recours aux services du cabinet Appleby. Le Français a notamment acquis un terrain de 129 hectares au nord de Londres par le biais d'une société de l'île de Jersey, sur laquelle une villa valant trois millions de livres a été construite.
Le yacht de Bernard Arnault, le Symphony, 101 mètres de long pour une valeur de plus de 130 millions d'euros et battant pavillon des îles Caïman, a lui aussi été acquis par le biais d'une société offshore, située à Malte. Le montage devait notamment permettre un rabais sur le coût de la TVA.
Le réalisateur Jean-Jacques Annaud épinglé
Plus d'un million d'euros dissimulés au fisc
Les révélations menées dans le cadre de l'enquête des Paradise Papers touchent également le réalisateur français Jean-Jacques Annaud. Celui-ci est accusé d'avoir caché 1,2 millions d'euros (1,5 millions de francs) au fisc français. L'argent aurait transité de l'Europe à Hong Kong, en passant notamment par les îles Caïmans.
Le chanteur et militant Bono est impliqué
Bono se dit "écoeuré" de figurer dans les "Paradise Papers"
Selon les "Paradise Papers", le rocker irlandais serait actionnaire d'une entreprise maltaise qui aurait elle même investi dans un centre commercial en Lituanie, via une holding lituanienne accusée d'avoir recouru à des techniques d'optimisation fiscale illégales.
Bono est "totalement écoeuré si même en tant qu'investisseur minoritaire et passif (...) son nom a pu être mêlé à quelque chose d'un tant soit peu illégal", a-t-il plaidé dans un communiqué transmis à la BBC et au journal britannique The Guardian.
Le chanteur de U2 affirme "qu'il avait obtenu l'assurance de la part des dirigeants de l'entreprise que celle-ci respectait totalement ses obligations fiscales". "En tout cas je salue ces révélations", a-t-il ajouté dans ce communiqué, en appelant à une totale transparence des registres des entreprises basées dans des paradis fiscaux.
Liste des paradis fiscaux visés par l'Union européenne
Le Portugal est-il un paradis fiscal?
Alors qu'une "cinquantaine de pays" sont dans le viseur de l'Union européenne (UE) en vue de l'établissement d'une liste noire des paradis fiscaux à travers le monde, l'émission Forum fait le point sur la situation du Portugal.
Lewis Hamilton a économisé la TVA sur son jet privé
Le champion de F1 est passé par l'île de Man pour économiser 4 millions d'euros
Selon les révélations des "Paradise Papers" publiées par Le Monde lundi, le quadruple champion du monde de F1 britannique a utilisé une société-écran sur l'île de Man pour économiser la TVA lors de l'achat d'un nouveau jet privé de plus de 4 millions d'euros.
"Depuis une dizaine d’années, les règles accommodantes de l’île et les pratiques peu regardantes des autorités permettent d’échapper au paiement de la TVA sur les jets privés", note le quotidien français.
Ce dernier explique que le schéma consiste à abuser d’une disposition européenne qui donne aux entreprises la possibilité de déduire la TVA sur leurs achats professionnels. Lewis Hamilton n’étant pas une entreprise, il s’est dissimulé derrière une société-écran pour y être éligible à cette déduction.
L'île de Jersey, nouveau paradis d'Apple
Apple a choisi Jersey pour réduire ses impôts
Apple a choisi l'île de Jersey, connue comme paradis fiscal, pour réduire son taux d'imposition lorsque ses montages en Irlande ont été pointés du doigt il y a trois ans, ont rapporté lundi plusieurs médias, dont le New York Times.
Mi-2014, sous la pression d'autres pays, l'Irlande a souhaité mettre fin a l'une des astuces d'optimisation fiscale utilisée dans ce pays par Apple, et d'autres multinationales. Avec l'aide d'Appleby, Apple a alors jeté son dévolu sur Jersey, dépendance de la Couronne britannique, qui n'impose pas les entreprises.
Le New York Times avance aussi que le groupe a accumulé au moins "128 milliards de dollars de profits offshore qui ne sont pas imposés aux Etats-Unis et à peine dans d'autres pays".
Apple s'est défendu lundi en affirmant notamment que ses montages fiscaux étaient motivés par la volonté de payer l'essentiel de ses impôts aux Etats-Unis.
Nike utilise toutes les ressources du système fiscal néerlandais
Nike passe par les Pays-Bas pour éviter l'impôt
L'équipementier sportif américain Nike profite d'un "trou" dans la législation néerlandaise pour réduire à seulement 2% son taux d'imposition en Europe, selon des révélations des "Paradise Papers" publiées lundi par le journal Le Monde.
Deux sociétés basées au Pays-Bas concentrent "tous les revenus européens" de Nike et lui permettent ainsi d'échapper "à la taxe sur les bénéfices dans les pays où il vend effectivement les chaussures", révèle l'enquête.
Selon le journal, l'équipementier ne paie ainsi que 2% d'impôt sur les bénéfices contre 25% pour la moyenne des entreprises européennes. "Pour réussir ce tour de force, Nike a utilisé toutes les ressources du système fiscal néerlandais et ses immenses possibilités d'optimisation", assure Le Monde.
>> Lire aussi : Le groupe Nike passe par les Pays-Bas pour réduire son taux d'imposition
Des investissements russes dans les grands réseaux sociaux
Des intérêts financiers russes dans Facebook et Twitter
Les documents montrent encore qu'un fonds d'investissement qui possédait d'importantes parts de Twitter et Facebook, DST Global, avait des liens avec deux firmes contrôlées par le gouvernement russe, VTB Bank et une filiale du géant gazier russe Gazprom.
Ces parts ont depuis été vendues, et rien n'indique que le Kremlin ait pu tirer des gains d'influence de ces investissements dans les deux grands réseaux sociaux américains.
Un ami proche du Premier ministre canadien cité
Des membres du Parti libéral de Justin Trudeau mis en cause
Le nom d'un ami proche de Justin Trudeau, qui a dirigé en 2015 la collecte de fonds pour la campagne l'actuel Premier ministre canadien, figure dans les "Paradise Papers".
Il apparaît que ce milliardaire, anciennement à la tête d'une société de vins et spiritueux, a mis sur pied un partenariat avec un ancien sénateur du Parti libéral de Trudeau, pour placer 60 millions de dollars américains (59,5 millions de francs) dans une société offshore aux Iles Caïmans. Des millions pourraient ainsi avoir échappé au fisc canadien, selon des experts cités par les médias canadiens.
Une galaxie de sociétés offshore dans l'entourage de Donald Trump
Les liens financiers d'un ministre de Trump avec la Russie
Les documents révélés dimanche montrent que le secrétaire américain au Commerce Wilbur Ross a conservé des intérêts dans une société de transport maritime, Navigator Holdings, qui entretient d'importants liens d'affaires avec des membres de l'entourage de Vladimir Poutine.
Cette société réalise chaque année des millions de dollars de bénéfice en transportant du gaz pour le groupe pétrochimique russe Sibur, dont sont actionnaires un oligarque russe proche du Kremlin et le gendre du président russe. Selon les Paradise Papers, Wilbur Ross contrôle toujours 31% du capital de Navigator Holdings.
>> Lire : Le secrétaire au Commerce de Donald Trump en affaires avec des proches de Poutine
Au total, les noms de 13 conseillers, donateurs ou membres de l'administration Trump figurent dans les documents leakés. C'est par exemple le cas de l'actuel secrétaire d'Etat Rex Tillerson et de Gary Cohn, banquier et conseiller économique du président. Le secrétaire d’Etat a été administrateur d’une société enregistrée aux Bermudes pour exploiter du pétrole au Yémen, lorsqu’il travaillait pour ExxonMobil (qu’il a dirigé de 2006 à 2016).
Le conseiller économique de la Maison Blanche a pour sa part dirigé vingt sociétés établies aux Bermudes et affiliées à Goldman Sachs entre 2002 et 2006.
Des millions de la reine d'Angleterre dans des paradis fiscaux
Les investissements d'Elizabeth II aux Bermudes
Dix millions de livres sterling, soit environ 13 millions de francs, de la reine Elizabeth II d'Angleterre ont été placés dans des fonds aux îles Caïmans et aux Bermudes, ont révélé dimanche les médias britanniques BBC et The Guardian qui ont collaboré à l'enquête. Ces investissements ont été réalisés via le Duché de Lancaster, domaine privé de la souveraine et source de ses revenus.
Les fonds placés dans ces paradis fiscaux sont investis dans de nombreuses sociétés, dont Brighthouse, une société controversée de location avec option d'achat d'électroménager.
"Tous nos investissements font l'objet d'un audit complet et sont légitimes", a réagi auprès de l'AFP une porte-parole du Duché de Lancaster, ajoutant que les investissements effectués au travers de fonds à l'étranger ne représentent que 0,3% de la valeur totale du Duché. De son côté, la Couronne assure ne pas être au courant de cette participation.
Le géant minier suisse Glencore mis en cause
Des affaires opaques au Congo
Le géant suisse des matières premières Glencore était un si gros client pour Appleby - le cabinet d'où sont issues la majeure partie des fuites - que le cabinet s'était doté d'une "Glencore Room" (un bureau Glencore) dans ses locaux des Bermudes.
Les "Paradise Papers" dévoilent notamment les dessous d'une transaction du géant minier au Congo, dans laquelle est impliqué un intermédiaire israélien soupçonné de corruption.
Selon les documents, Glencore a accepté que cet homme d'affaires négocie avec un conseiller du président congolais Joseph Kabila qui contrôlait l'attribution des licences minières du pays. Les experts pointent un risque de corruption dans cette transaction. De son côté, Glencore dément toute opération financière douteuse.
>> Lire : De nouveaux leaks lèvent le voile sur les affaires de Glencore au Congo
Des personnalités suisses citées dans les "Paradise Papers"
La gestion douteuse du Fonds souverain de l’Angola
La présidente des CFF Monika Ribar apparaît dans les "Paradise Papers", a révélé Le Matin Dimanche. En 2015, alors vice-présidente de l'ex-régie fédérale, elle a siégé dans une firme recevant de l'argent du fonds souverain de l'Angola, lequel est géré par Jean-Claude Bastos, un homme d'affaires d'origine suisse et angolaise condamné en 2011 pour gestions déloyales.
En 2015, des articles critiques avaient pourtant déjà fait état des transactions discutables du fonds souverain, et de l'amitié jugée problématique qu'entretenait l'homme d'affaires avec le fils du président angolais.
Il apparaît que la présidente des CFF n’est pas la seule personnalité à travailler avec cet entrepreneur. L’ancienne conseillère fédérale PDC Ruth Metzler fait partie du conseil consultatif de son groupe Quantum Global, basé à Zoug.
Ruth Metzler a d'ailleurs annoncé le 8 novembre sa démission avec effet immédiat du groupe, à la suite des "graves accusations de pratiques commerciales en Angola".
L’ancien chef du Département pour le développement et la coopération suisse (DDC), Walter Fust, est également un partenaire de l'homme d'affaires.