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Les listes de l'OCDE ne font pas l'unanimité

Gordon Brown est venu en personne convaincre les ministres.
Le G20 a présenté des listes dont les critères sont douteux, selon certains.
Réclamée - et acclamée - par le G20 à Londres, la publication de listes de paradis fiscaux par l'OCDE est loin de faire l'unanimité: certains pays mis à l'index, des ONG ou encore des chercheurs doutent de la pertinence de la démarche, pointant notamment le "flou" des critères retenus.

Le classement publié jeudi distingue, d'une part, les Etats
appliquant une convention d'échange d'information fiscale avec au
moins 12 des 30 pays de l'OCDE ("liste blanche"), d'autre part,
ceux qui s'y sont engagés sans la mettre en oeuvre
"substantiellement" ("liste grise"), et enfin ceux qui n'ont pris
aucun engagement ("liste noire").



"Pourquoi 12 accords, et pas 11 ou 15 ? Etait-ce pour ne pas
froisser d'importants partenaires qui se situaient juste en dessous
de ce seuil ? C'est un peu flou", commente Thierry Godefroy,
chercheur au Centre national de la recherche scientifique
(CNRS).

"Petits arrangements entre amis"

"Ces listes sentent les petits arrangements entre amis où on ne
veut froisser aucun grand pays", fustige Maylis Labusquière,
d'Oxfam France-Agir ici, se distinguant notamment de
Transparency-France, qui, elle, salue "une avancée
historique".



La composition de la "liste blanche" a fait grincer quelques
dents. "Quand on voit qu'elle inclut Jersey et Guernesey, la Chine
- malgré Hong Kong et Macao - ou les Etats-Unis - en dépit du
Delaware -, cela peut vouloir dire qu'on ne compte plus rien
obtenir d'eux", se désole Jean Merckaert, de l'association
CCFD-Terre Solidaire. La ministre des Affaires étrangères,
Micheline Calmy-Rey, a quant à elle exprimé à AFP son
incrédulité.

Arbitraire

Le cas de l'Uruguay a renforcé les critiques. Inscrit jeudi soir
sur la "liste noire", le pays en a été retiré dès le lendemain soir
après avoir pris "des engagements" et figure aujourd'hui sur la
"liste grise". "Qu'un pays puisse changer aussi vite de catégorie
sur de simples déclarations démontre le peu de rigueur des critères
retenus par l'OCDE", dénonce M.Labusquière.



Responsable de la division fiscale à l'OCDE, Pascal Saint-Amans
reconnaît que tout critère est "arbitraire" mais assure que c'est
"le seul moyen de rentrer dans le dossier et de faire un premier
tri". Selon lui, il faut voir cette liste comme un instrument
"dynamique" et "évolutif". "Les juridictions qui sont sur la 'liste
blanche' sont passées aux actes. Mais elles sont susceptibles
d'être rétrogradées et feront l'objet de réexamen ultérieur",
a-t-il expliqué à l'AFP.



Le prochain état des lieux sera dressé lors du prochain G20 en
septembre. "Quand on dit que ça n'apporte rien, préfère-t-on que
l'on confie cette tâche à l'ONU qui mettrait l'échange automatique
d'informations en place en 2250?", s'interroge P.Saint-Amans.



afp/bri

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Contraindre les sociétés

L'efficacité même de la démarche de l'OCDE est parfois mise en doute.

"Il y a un tel système de sociétés gigognes dans les flux financiers qu'une convention d'échange fiscal ne garantit pas la fin de l'opacité", avance M.Godefroy, pour qui il serait plus facile de "contraindre" à la transparence les entreprises plutôt que des pays.

M.Merckaert préconise, de son côté, "un système d'échanges d'informations automatique" qui obligerait les places financières à avertir les pays dès qu'un dépôt est effectué par un de leurs ressortissants, "même si ce serait techniquement compliqué", reconnaît-il.

L'OCDE balaye ces réserves et assure que l'éventail de sanctions, détaillé dans le communiqué final du G20, saura convaincre les pays de se plier aux standards internationaux, citant notamment le conditionnement de l'aide au développement à une coopération fiscale plus approfondie.