Les métiers d'art se réinventent et attirent un large public

C’est l’histoire d’un succès. Les métiers d’art suscitent l’intérêt d’un public nombreux. Pour l’édition 2018 des Journées européennes des métiers d’art (JEMA), Genève, Vaud, le Valais, le Tessin et le Jura attendent 20'000 personnes du 20 au 22 avril. Des maîtres d’art ouvrent leurs ateliers. Luthiers, forgerons, bijoutiers, verriers, céramistes ou selliers créent et façonnent des objets uniques à forte valeur ajoutée. Musées et écoles ouvrent également leurs portes pour présenter un héritage culturel passionnant, signe de vitalité artistique. Le public apprécie des métiers qui conjuguent patrimoine immatériel, création et innovation, s'enthousiasme Thierry Hogan, secrétaire général de l’Association suisse des métiers d’art (ASMA) et organisateur des JEMA dans le canton de Vaud. Pour leur donner encore plus de visibilité, l’ASMA a un projet de prix pour 2019. Affaire à suivre.

Journées européennes des métiers d'art

Une forge où couve le feu, le bruit du marteau sur l'enclume et le métal rougi, l’odeur légèrement soufrée: le maître des lieux, Philippe Naegele, 63, ans, quatre générations de ferronnier, a fait de sa forge de Chexbres (VD) un lieu d’excellence et de convivialité. A qui la transmettre? Question délicate. Le métier n’existe plus. Plus de CFC, pas assez de débouchés, pas assez polyvalent, a décrété l’Etat dès 2006. Et les apprentis serruriers touchent rarement l’enclume. "Un scandale", s’indigne Philippe Naegele, qui a pensé à un compagnonnage avec une jeune designer, diplômé de l’ECAL, Bertille Laguet. Primée en 2017 par les Swiss Design Awards pour l’ensemble de sa production sur métal, la jeune femme découvre l’art de la forge avec passion. Ferronnier et designer se complètent pour créer des objets d’art. Une repreneuse? Pourquoi pas, anticipe Philippe Naegele. "Elle a compris l’esprit de la forge de Chexbres", indique-t-il, s'empressant toutefois de préciser qu'il aime trop son métier pour le lâcher.

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Une planche, des roulettes, rien de plus simple. Rien de plus esthétique pourtant que les skateboards produits par Laurent Golay au Brassus, dans la vallée du Joux. Menuisier de père en fils, passionné par tous les sports de glisse, cet artiste-artisan fourmille d’idées. Sa petite entreprise, LGS concept bois, qu'il gère avec son épouse, prend des airs de start-up. Menuisier de formation, sportif par passion, Laurent Golay relève des défis tant techniques qu'artistiques. Ses skates - sept couches de bois d'érable canadien collées, pressées, sérigraphiées avec des dessins d’artistes et bichonnées - sont aussi uniques que les arabesques dans les skateparks. Car "c’est de l'art", s’enthousiasme Laurent Golay. Du coup, ses longboards, équipés pour la ville, sont de vrais objets de collection. "Nos clients sont des banquiers genevois ou zurichois".

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Un luminaire signé, un vase unique ou un fauteuil tapissé d’une toile d’artiste sont-ils des investissements au même titre qu'un tableau ou une sculpture? En janvier, Artgenève présentait pour la première fois le PAD, le Pavillon des arts et du design. "Une belle vitrine", souligne l’antiquaire et marchand d’objets d’art genevois Lionel Latham. Il a mis l’accent sur la création suisse avec notamment le luminaire poétique Glo Ball de la designer verrière Françoise Bolli, qui a suscité curiosité et intérêt. La nouveauté attire toujours, relève encore Lionel Latham. Les frontières entre objets d'art et oeuvres d'arts’effacent. Et la tendance se confirme.

DR - Julien Tinner

Défendre les métiers d’art? Une nécessité, affirme Alberto Cavalli. Il insiste, l’atout est culturel, l’avantage est comparatif. L’Europe, par son histoire et son patrimoine, a une carte à jouer. Que viennent chercher les touristes étrangers, s’interroge le directeur de la Fondation Cologni à Milan et codirecteur de la Michelangelo Foundation à Genève? L’objet unique et rare! Et de citer Coco Chanel: "le luxe, c’est la différence". La Maison Chanel prévoit d’ailleurs d’inaugurer d’ici 2020 tout un bâtiment en l’honneur des plumassiers, brodeurs et bijoutiers. Un autre projet existe, c’est Homo Faber. Cet automne, Venise accueillera la première exposition de grande envergure entièrement dédiée à l’artisanat d’art européen. Un hommage sans précédent au geste de l'homme.

AFP - Patrick Kovarik

Alberto Cavalli, directeur de la Fondation Cologni à Milan et codirecteur de la Michelangelo Foundation à Genève. Il défend ces métiers avec passion. Prêt à taper du poing sur la table pour que l'art retrouve une place dans l’agenda politique.

>> L'interview d'Alberto Cavalli :

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