C'est un scénario similaire à celui où les clients ne font plus confiance à leur banque: ils retirent leur argent tous en même temps, mettant en jeu l'existence de l'entreprise.
Dans le cas précis, de grands éditeurs de journaux - Tamedia, Ringier Axel Springer, Admeira, NZZ et AZ Medien - rompent presque simultanément leur contrat avec Publicitas et invitent les annonceurs à leur verser directement le montant de la facture. En trois jours, la régie publicitaire a ainsi perdu ses plus gros clients du monde de la presse. En cause, des retards de paiements de plusieurs mois.
>> Lire : Tamedia met fin avec effet immédiat à sa relation avec Publicitas
La probabilité d'une faillite de Publicitas est évidente, estime Jean-Pierre Rohner, vice-président de la Commission fédérale des médias et ancien directeur de Publigroupe. Son avis est partagé par trois autres acteurs de la branche, contactés par la RTS, qui parlent d'une question de jours.
Diminution de la publicité
Publicitas, qui n'a pas répondu aux appels de la RTS, reconnaît via un communiqué diffusé vendredi les retards des factures et leur impact négatif. Mais elle regrette aussi que sa proposition de compromis ait été écartée à cause de l'opposition de certains éditeurs, et dit travailler à la recherche d'une solution pour rectifier le tir.
En cause dans les difficultés financières de Publicitas, la diminution de la publicité. Publicitas joue un rôle d'intermédiaire entre les entreprises qui souhaitent placer leur publicité dans les médias et les journaux qui doivent trouver des annonceurs.
Mais depuis les années 2000, la publicité a diminué de moitié dans la presse. En réaction à cette baisse, les grands éditeurs ont commencé à traiter directement avec les annonceurs, au lieu de confier un contrat exclusif à Publicitas. S'ils ont continué à collaborer avec la régie publicitaire au coup par coup, ce facteur a néanmoins pesé sur le chiffre d'affaires de Publicitas.
Virage numérique
L'autre raison du déclin est que les publicités sur internet, toujours plus nombreuses, rapportent dix fois moins que les publicités papier. La régie publicitaire n'aurait pas suffisamment tenu compte du virage numérique.
Publicitas a pourtant fait l'objet de nombreuses réorganisations. Elle a quitté Publigroupe en 2014, puis a été rachetée par le groupe allemand Aurelius. Cette réorganisation n'aura pas permis d'éviter les problèmes financiers.
Eshter Coquoz/kkub
Journaux régionaux en danger
Par effet domino, les journaux régionaux pourraient à leur tour être menacés. Les journaux de Romandie Combi, comme L'Impartial, Le Quotidien Jurassien ou encore Le Nouvelliste sont totalement dépendants de la régie Publicitas pour leur publicité.
Des retards ou des défauts de paiement peuvent avoir un effet désastreux sur leurs finances. Preuve de la gravité de la situation: ces éditeurs se sont réunis vendredi en urgence pour adopter une position commune et discuter de leur stratégie à venir.
En attente de clarifications de la part de Publicitas, ils ne communiqueront que lundi. Mais selon un expert, certains journaux régionaux, surtout les plus petits, tremblent après cette annonce des difficultés de Publicitas.