La faillite de Lehman Brothers, dix ans après

Grand Format

AP/Keystone - Mark Lennihan

Introduction

Il y a 10 ans, Lehman Brothers, l'une des plus grosses banques d'investissement du monde, faisait faillite, précipitant la planète dans une terrible crise économique. Les Etats-Unis ont-ils aujourd'hui tourné la page? La finance a-t-elle restructuré son modèle d'affaires? Eléments de réponse.

Chapitre 1
Un lundi noir à Wall Street

AP/Keystone - Louis Lanzano

Ce 15 septembre 2008, les traders de Lehman Brothers font leur carton. Le géant new-yorkais s'est écroulé. Sans repreneur pour la banque plombée par les crédits immobiliers à risque, les autorités américaines ont lâché cette vieille dame de l'aristocratie financière.

L'institution a en effet été créée par trois frères arrivés de Bavière au milieu du 19e siècle. Elle a prospéré à travers le temps, malgré la crise de 1929 et les tempêtes financières suivantes.

Mais dans les années 2000, de nombreuses banques américaines accordent des hypothèques à tour de bras aux ménages les plus modestes. Plusieurs institutions dont Lehman Brothers transforment ces prêts en titres financiers, dont la valeur grimpe. Et lorsque les taux d'intérêt remontent, les Américains surendettés ne peuvent plus rembourser. Le système s'effondre alors, tel un château de cartes.

Le lundi 15 septembre 2008, à 01h45, Lehman Brothers dépose le bilan. La banque laisse une ardoise de 691 milliards de dollars et 25'000 employés sur le carreau.

>> Rappel des faits dans le 19h30 :

Subprimes, 10 ans après. Le 19.30 propose une série de reportages, explications de Gaspard Kühn
19h30 - Publié le 10 septembre 2018

Pourquoi les autorités ont-elles sacrifié l'établissement new-yorkais alors que Washington a sauvé quelques jours plus tôt deux grandes institutions de crédit? La Réserve fédérale espérait ainsi mettre fin à l'hémorragie. Nombreux sont ceux qui l'accuseront d'avoir en réalité accéléré la contagion.

Chapitre 2
Retour dans un quartier sinistré dix ans après

RTS - Philippe Revaz

La crise de 2007-2008 a particulièrement frappé les propriétaires les plus modestes, ceux qui avaient profité des crédits toxiques. Aux Etats-Unis, Cleveland est devenue le symbole de cette crise. Des milliers de familles ont été expulsées de leur maison dans cette ville industrielle de l'Ohio.

Dans le quartier de Mount Pleasant, 5000 à 8000 résidences restent vacantes dix ans après, livrées aux vandales et aux dealers de drogue. Une petite association documente celles qui menacent de s'écrouler. Et tente d'aider modestement ce secteur ravagé par la pauvreté.

>> Le reportage du 19h30 à Cleveland :

Aux USA, la crise des subprimes a frappé les propriétaires modestes. 10 ans après, Cleveland en porte les stigmates.
19h30 - Publié le 10 septembre 2018

Chapitre 3
A Wall Street, un changement culturel?

AP/Keystone - Mark Lennihan

L'exubérance financière de Wall Street appartient-elle au passé? Pour certains, un véritable changement culturel a eu lieu. "Ces dix dernières années, les gens n'ont plus parlé d'argent ou ne le montraient plus comme ils le faisaient avant le krach", affirme Scott Peltz, responsable national chez RSM Finance.

"Les traders ont changé parce que certains ne sont plus sur le marché", indique de son côté l'économiste Mickaël Mangot, invité à Genève par la BCGE. "Certains ont été virés et d'autres sont partis d'eux-mêmes, ayant été complètement échaudés par ce qui s'est passé."

Pour le spécialiste en finance comportementale, l'attitude face au risque s'est modifée. "Les traders vont peut-être prendre moins de risques", estime Mickaël Mangot. "Mais nous sommes déjà dix ans après la crise, le cycle boursier est si positif qu'on pourrait retrouver les mêmes comportements qu'en 2007", avertit-il.

>> L'entretien avec Mickaël Mangot dans le 19h30 :

"Les traders ont changé parce que certains ne sont plus sur le marché depuis 2008"
L'actu en vidéo - Publié le 11 septembre 2018

Mais Wall Street n'a pas pour nature ni fonction d'être un lieu de vertu, rappelle Adam Tooze, professeur à la Columbia University. "L'enjeu à Wall Street se résume à une question: combien de profits pouvez-vous faire sans vous exposer au risque de faire couler la banque? Ce que nous montre la crise de 2008, c'est que vous pouvez dépasser ce risque et aller jusqu'à détruire le business dont vous faites partie", analyse l'historien.

Chapitre 4
De nouvelles règles pour éviter une nouvelle crise

Keystone - Georgios Kefalas

Après la faillite de Lehman Brothers, la mission de corseter le système financier a été confiée aux banques centrales. De nouvelles réglementations internationales ont vu le jour: finalisés en décembre 2017, les Accords de Bâle III ont notamment imposé aux banques d'augmenter la qualité de leurs fonds propres et des règles de liquidités plus strictes.

Aux Etats-Unis, la loi Dodd-Frank, entrée en vigueur en juillet 2010, a limité la prise de risques et forcé les banques à disposer d'un coussin de sécurité très important. Aujourd'hui, elle est cependant remise en cause par le président américain Donald Trump.

>> Retour sur les réactions politiques dans Alter Eco :

Alter Eco (vidéo) – La chute de Lehman Brothers (3-5): dans quel monde vit-on?
La Matinale - Publié le 13 septembre 2018

Dix ans après, tout a-t-il été fait pour éviter une nouvelle crise? Certains – à l'image du spécialiste en finance quantitative Marc Chesney – jugent les nouvelles règles insuffisantes. Le professeur de l'Université de Zurich critique notamment les exigences de qualité et de quantité des réserves des banques, qui ont été rehaussées, mais pas suffisamment selon lui.

Mais pour l'ancien vice-président de la BNS Jean-Pierre Danthine, qui a œuvré à bâtir les nouvelles règles, les réserves sont plus solides qu'elles ne le semblent. "Aujourd'hui, les réglementations forcent les banques à prendre moins de risques, notamment à détenir des actifs très liquides et donc très peu risqués, il faut également tenir compte de cela", détaille le professeur à l'EPFL.

>> Le débat entre Marc Chesney et Jean-Pierre Danthine :

Le système financier mondial est mieux régulé qu'en 2008, mais il n'est pas pour autant à l'abri des crises.
19h30 - Publié le 12 septembre 2018

Chapitre 5
Et en Suisse?

Keystone - Walter Bieri

Après la faillite de Lehman Brothers en 2008, de nombreux gouvernements ont dû engager des montants considérables pour sauver certains établissements, dont la Suisse.

Les autorités helvétiques ont ainsi mis en place un plan de sauvetage se chiffrant en milliards au bénéfice d'UBS. "Les capitaux injectés par la Confédération se sont élevés à 6 milliards de francs, soit 10% des recettes fédérales", a rappelé début septembre Fritz Zurbrügg, vice-président de la Banque nationale suisse (BNS).

Grâce à la nouvelle réglementation dite "too big to fail" (TBTF, trop grandes pour faire faillite), les établissements d'importance systémique ont amélioré leurs fonds propres, réduit leur exposition à des actifs risqués et ajusté leurs modèles d'affaires, selon Fritz Zurbrügg. "Nous sommes donc convaincus que la capacité de résistance des grandes banques et du système bancaire suisses est désormais bien meilleure qu'il y a dix ans."

"Depuis 2008, on a mieux régulé les banques, on lutte mieux contre la fraude fiscale, mais il faut faire attention à ne pas répéter les erreurs du passé", prévient tout de même Roger Nordmann, président du groupe socialiste aux Chambres.

>> Le débat entre Roger Nordmann (PS/VD) et Christian Lüscher (PLR/GE) dans Forum :

Roger Nordmann (PS-VD) et Christian Lüscher (PLR-GE). [Keystone - Marcel Bieri/Anthony Anex]Keystone - Marcel Bieri/Anthony Anex
Forum - Publié le 11 septembre 2018

Car la crise de 2008 a également provoqué la chute du secret bancaire suisse. Après la faillite de Lehman Brothers, les Etats-Unis se sont endettés pour sauver leur économie et leurs banques. Et ils ont cherché l'argent ailleurs.

>> Le reportage du 19h30 sur la fin du secret bancaire :

La chute du secret bancaire en Suisse a eu des répercussions sur l'emploi mais a aussi offert de nouvelles perspectives.
19h30 - Publié le 13 septembre 2018

>> Revoir aussi l'entretien avec Angela de Wolff, experte en finance durable :

Angela de Wolff, experte en finance durable "La finance durable est une manière d'aller vers de nouveaux emplois."
19h30 - Publié le 13 septembre 2018