En pleine guerre commerciale avec Washington, la Chine a inauguré lundi son premier salon des importations à Shanghai, capitale économique du géant asiatique. Il a promis d'"augmenter ses efforts" visant à ouvrir davantage son marché et accroître ses importations. Une sorte de réponse aux importantes sanctions commerciales de la part des Etats-Unis.
Donald Trump a décliné l'invitation, peu convaincu par les promesses de réformes attendues par la Chine depuis son entrée à l'OMC, en 2001. L'ouverture des marchés a permis à la Chine de développer ses entreprises et son économie interne. Mais après 17 ans, ses frontières ne sont pas encore totalement ouvertes aux entreprises étrangères. Hormis quelques exceptions, comme UBS ou BMW, ces dernières ne sont pas autorisées à siéger majoritairement dans leurs filiales chinoises.
Pour le président américain, ces avancées sont trop lentes. Et ce que Donald Trump dit à haute voix, d'autres le pensent. A l'instar de la chancelière allemande Angela Merkel et du président français Emmanuel Macron, qui figuraient aussi sur la liste des absents. Le Russe Dimitri Medvedev, le Pakistanais Imran Khan ou le Hongrois Viktor Orban, eux, ont notamment fait le déplacement.
70 entreprises suisses
Le président de la Confédération Alain Berset, qui avait d'abord prévu d'assister à la cérémonie, a finalement renoncé, n'ayant pas eu la garantie d'un tête-à-tête avec le président chinois.
Quelques 180 pays sont tout de même représentés dans ce salon, qui réunit tout le gratin de l'économie, venu courtiser les 150'000 acheteurs professionnels chinois. Parmi eux, le fondateur de Microsoft Bill Gates, ou le père multimilliardaire d'Ali Baba, Jack Ma.
Sur les 3000 entreprises étrangères présentes figurent une septantaine d'entreprises suisses (dont La Poste, Migros, Nestlé, Jura, Lindt, Kuehne + Nagel, notamment).
"Si l'on veut s'implanter à l'étranger, la Chine est aujourd'hui le premier pays à envisager, puisqu'il nous donne une opportunité énorme, avec une population très très grande", affirme à la RTS Babette Keller Liechti, directrice de KT Home, entreprise spécialisée dans les produits pour la cosmétique. Et pour cause.
Le marché de tous les désirs
La Chine représente un marché de près de 1,4 milliard de consommateurs potentiels. Parmi eux, 200 millions de personnes ont un pouvoir d'achat comparable à celui des Européens. Avec une croissance du PIB de 6,9% (en 2017), le PIB par habitant devrait passer la barre symbolique des 10'000 dollars en 2019.
"Il ne faut pas sous-estimer les Chinois. Ils aiment la qualité. De par l'horlogerie, d'une part, mais les cosmétiques suisses sont très réputés aussi. Le drapeau suisse va nous ouvrir toutes les portes. C'est un très petit pays, mais il a un énorme potentiel", insiste Babette Keller Liechti, depuis le pavillon national suisse.
Si le président suisse n'a pas fait le déplacement, cela ne traduit en rien une méfiance helvétique à l'égard du géant asiatique. Au contraire. La Confédération n'a pas lésiné sur les moyens pour assurer une visibilité dans cette exposition internationale, en finançant une structure de plus de 130 mètres carrés, alliant l'ambiance d'un chalet suisse avec la technologie moderne. Une carte géante de la Suisse, interactive et en réalité augmentée, permet aux visiteurs de se rendre où ils le souhaitent.
Dans ce marché toujours plus connecté, La Poste entend elle aussi se profiler dans le domaine de la logistique: "Le commerce en ligne connaît une croissance énorme. Il y a de plus en plus d'entreprises suisses qui essaient de vendre à l'étranger, même sur les marchés les plus éloignés", explique Luigi Pezzuto, directeur de PostLogistics International.
Plus de "Swiss Made" en Chine que de "Made in China" en Suisse
Si la Suisse insiste tant sur ses bonnes relations avec la Chine, c'est parce qu'elle semble privilégiée dans l'empire du milieu. Elle est l'un des rares pays à maintenir un excédent commercial avec le géant asiatique, si peu enclin à laisser entrer les investisseurs étrangers.
"La Chine est notre troisième partenaire commercial. Nous sommes pour la Chine leur dixième partenaire. Il est donc compréhensible que nous voulions être ici avec nos entreprises, pour assurer que les relations continuent à se développer de façon positive dans le futur", affirme la secrétaire d'Etat à l'économie (Seco), Marie-Gabrielle Ineichen-Fleisch, qui mène la délégation suisse à Shanghai.
Les relations entre les deux pays sont en effet particulièrement favorables pour la Suisse, surtout depuis la signature d'un accord de libre-échange en 2013. Cette année-là, la valeur des exportations en Chine (Hong Kong et Macao compris) explose de 27 milliards en 2012 à 67 milliards en 2013, porté notamment par l'exportation d'or. Un record absolu, enregistré toutefois avant l'entrée en vigueur de l'accord, en 2014. Depuis, les exportations se maintiennent autour des 40 milliards de francs annuels, tandis que les valeurs des importations augmentent régulièrement, de 15 milliards en 2014 à 22 milliards en 2017.
Selon l'ambassade de Suisse à Pékin, le nombre d'entreprises suisses et leurs succursales en Chine est estimé entre 850 et 1000. Ensemble, elles emploient 182'709 personnes.
Les flux d'investissements directs de la Suisse vers la Chine ont eux aussi fortement augmenté depuis 2004, atteignant des niveaux record en 2011 et en 2014. Le capital-actions des investissements suisses en Chine à la fin de 2016 s'élevait à environ 21,40 milliards de francs, soit 1,8% du total des investissements directs étrangers. La Chine reste donc pour les investisseurs suisses, le principal lieu d'investissement en Asie.
Feriel Mestiri