Daniel Schneidermann: la presse a "toujours aimé" raconter la guerre
Dans son livre "La guerre avant la guerre", paru aux éditions du Seuil, Daniel Schneidermann nous plonge dans une presse de toutes obédiences, d'extrême droite antisémites "la plus guerrière" (L'action française, Gringoire, Je suis partout), communiste (L'humanité, Ce soir) ou dite objective ou impartiale comme le journal Paris-Soir de Pierre Lazareff.
Tous les jours, les journaux évoquent alors la guerre en Espagne: les reportages "prennent leur essor" et le photo-journaliste naît. "Il y a des victoires, des défaites et des histoires humaines à raconter. La presse aime ça, elle a toujours aimé ça. En outre, c'est une guerre qui trouve un écho idéologique profond dans la société française", explique Daniel Schneidermann, jeudi dans l'émission de la RTS Médialogues.
Le journaliste a observé une "totale imperméabilité à la narration de l'adversaire". "On se replie sur sa propre narration. C'est quelque chose qui est exacerbé en période de guerre. On peut faire un parallèle entre la presse clivée des années 1930 et ce qu'on appelle aujourd'hui sur les réseaux sociaux les bulles de filtres. Quand vous êtes dans votre environnement Facebook et Twitter, vous n'avez quasiment plus aucun accès à la bulle d'en face. Les technologies ont évolué, mais la technique d'enfermement est restée la même."
Rattrapé par l'actualité
D'une histoire à l'autre. De celle de 1938 à celle de nos jours. D'une guerre à l'autre. De la Deuxième Guerre mondiale à celle d'Ukraine. "La guerre avant la guerre" est sorti le 4 mars 2022, une semaine après le début de l'invasion russe en Ukraine. "J'ai écrit ce livre dans une ambiance de guerre nord-sud: entre le nord et les migrants, le grand remplacement", souligne Daniel Schneidermann. "Et d'un coup, une guerre est-ouest est réapparue."
"(...) Si j'ai voulu écrire ce livre en 2021, c'est que je sentais la violence du débat politique avec les réseaux sociaux, Eric Zemmour ou la chaîne de télévision CNews. On était encore en paix, et pourtant dans une ambiance de guerre un peu comme en 1936 et 1939", estime-t-il.
Toutes les comparaisons entre les deux périodes sont "extrêmement périlleuses", dit-il, car les situations géopolitiques sont "très différentes". Daniel Schneidermann y voit quand même un point commun: l'ère du temps de la guerre. "Pour toute une partie de l'extrême droite française, notamment Je suis partout, l'avenir était aux dictatures", indique-t-il.
Propos recueillis par Antoine Droux/vajo