Le Courrier lance un appel aux abonnements pour sauver son indépendance

Le quotidien de gauche basé à Genève a présenté lundi matin sa campagne "L'abonnement, c'est maintenant" destinée à gagner des lecteurs et encourager les souscriptions. De 8000 abonnés aujourd'hui, le Courrier espère atteindre la barre des 10'000.

"Les indicateurs qui nous permettent de piloter le budget ont montré qu'on a passé une cote d'alerte en matière de baisse d'abonnements. Le moment était venu de donner un coup de collier, de solliciter de nouveaux abonnés et de relancer la campagne d'abonnements", a expliqué son rédacteur en chef Philippe Bach lundi dans le journal de 12h30 de la RTS.

Passé sous la cote d'alerte

Sans ces dons, "ce n'est pas la mort, mais ça supposerait une baisse substantielle de la voilure, des licenciements, des réductions de pagination et la suppression, éventuellement, d'une édition", a détaillé Philippe Bach. Globalement, la presse écrite va mal en Suisse romande, observe-t-il, et le Courrier ne fait pas exception. Mais contrairement à d'autres, le titre ne fait pas partie d'un grand groupe. "On est donc livrés à nous-mêmes et à nos lecteurs", résume-t-il.

Sous sa forme actuelle, les revenus du Courrier sont insuffisants. "Il y a structurellement un trou de 300'000 francs dans nos comptes", précise son rédacteur en chef. En cause: une baisse tendancielle des abonnés depuis de nombreuses années, que Philippe Bach attribue entre autres à la concurrence des journaux gratuits. "C'est l'un des facteurs qui nous a fait beaucoup de tort", pointe-t-il.

Le Courrier a aussi perdu 295 abonnés pendant la pandémie de Covid-19. "Les attaques contre la ligne éditoriale ont été virulentes. On nous a accusés de faire le jeu de la big pharma. Il peut y avoir des désaccords, mais il faut pouvoir se référer au sérieux d'un travail rédactionnel", a plaidé de son côté lors d'une conférence de presse la nouvelle directrice administrative du titre Kate Reidy.

Aller à la rencontre des nouvelles habitudes de lecture du public

Pour s'adapter aux nouvelles habitudes de lecture du public, le quotidien s'est notamment doté d'une rédaction web, ce qui l'a contraint à supprimer son édition du samedi. "On va continuer d'adapter notre offre et essayer de développer de nouvelles rubriques dans le journal. La réflexion est en cours", annonce le rédacteur en chef.

>> Relire : Le Courrier ne paraîtra plus le samedi dès la fin août

Miser sur le contenu online semble payer, a en outre indiqué Kate Reidy, car les abonnements web et combinés ont augmenté. Les consultations en ligne et sur les réseaux sociaux sont aussi en hausse. "Il est important de pouvoir développer les formules numériques, même si nous voulons conserver le papier", a-t-elle ajouté.

Le Courrier souhaite aussi élargir son assise dans l'ensemble de la Suisse romande: actuellement, 27% de ses abonnés sont dans le canton de Vaud, 5% à Neuchâtel et 4% en Valais, contre 57% à Genève.

L'affaire Gandur n'explique pas tout

Le litige qui oppose le journal à Jean Claude Gandur n'a pas arrangé les finances du titre, condamné fin 2021 par le Tribunal fédéral en raison de la publication d'un portrait qui, selon les juges, portait atteinte à la personnalité de l'homme d'affaires. Le quotidien n'en est pas resté là et a porté l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'Homme, où elle est toujours pendante.

Philippe Bach refuse toutefois de s'abriter derrière ces ennuis juridiques pour justifier les problèmes de financement du journal. "L'affaire Gandur nous a coûté à peu près 50'000 francs en frais de justice, sur un budget d'environ 3,9 millions", relativise-t-il.

>> Ecouter le sujet du 12h30 consacré à cette affaire lors de son passage devant la justice genevoise :

Keystone - Martial Trezzini

Propos recueillis par Yann Amedro
Adaptation web: Vincent Cherpillod