"En Russie, il n'y a pas eu de protestations de cette ampleur depuis les falsifications des élections législatives en hiver 2011", analyse Tatiana Kastoueva-Jean. La chercheuse souligne également l'ampleur du mouvement avec des manifestations organisées dans 85 villes, mais principalement à Moscou et à Saint-Pétersbourg: "S'il y a eu des protestations après 2011, il s'agissait plutôt de phénomènes très locaux. Pour la première fois depuis longtemps, une sorte de cause nationale unit tous ces manifestants."
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Lundi, le journal Le Monde évoque une "assurance étonnante" parmi les manifestants. Tatiana Kastoueva-Jean reconnaît qu'il y a "moins de peur": "Il y a peut-être un sentiment, avec ce qui se passe en Biélorussie, que les protestations peuvent durer très longtemps et qu'un pouvoir autoritaire n'abandonne pas les rênes du pouvoir aussi facilement."
Profils variés
Pour la directrice du centre Russie à l'Institut français des relations internationales (IFRI), le profil des manifestants a "quelque peu changé" par rapport aux manifestations qui ont suivi les fraudes de 2011: "Les manifestants ont rajeuni, la moyenne d'âge est de 30 ans ou 35 ans. Il y a aussi beaucoup de nouveaux manifestants, 40% d'entre eux manifestent pour la première fois et leur profil social est très varié".
Entre son combat anti-corruption et son engagement politique "pour rendre à la démocratie russe un véritable contenu", Alexeï Navalny a les "ingrédients néfastes pour le pouvoir en place", selon Tatiana Kastoueva-Jean. Mais, pour la chercheuse, cela ne sera pas suffisant pour déstabiliser le chef du Kremlin: "Le système est tellement verrouillé qu'il n'y a pas de réelle alternative à Vladimir Poutine."
"Pas de clivage" chez les élites
Ce mouvement est "plutôt une irritation dans ce système très contrôlé", explique Tatiana Kastoueva-Jean. Il est un "élément qui apporte de l'incertitude et qui peut même gagner, en faisant élire un député, qui n'aurait pas été validé par les autorités, dans une Douma locale".
"Le pouvoir de la rue ne va pas renverser le système Poutine. Je ne vois pas de clivage au sein des élites, alors que cet élément avait contribué à la chute de l'URSS. Mikhaïl Gorbatchev, puis Boris Eltsine avaient en effet des positions différentes de la majorité des élites."
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Propos recueillis par Romaine Morard
Adaptation web: Valentin Jordil