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"L'aide humanitaire dans le conflit yéménite est très mal orientée"

Deux hommes blessés par des tirs de roquettes dans la ville d'Hodeida. [Abduljabbar Zeyad]
Quelle est la situation humanitaire au Yémen? Interview de Charles Gaudry de MSF / Tout un monde / 8 min. / le 7 décembre 2018
Le guerre au Yémen aurait déjà fait des dizaines de milliers de morts et plus de 3 millions de déplacés. Pour Charles Gaudry, responsable du programme pour le Yémen de Médecins sans Frontières, l'aide humanitaire est très mal orientée.

Pour la première fois depuis 2016, de fragiles pourparlers de paix inter-yéménites se sont ouverts jeudi en Suède entre le gouvernement soutenu par l'Arabie saoudite et la rébellion appuyée par l'Iran. Mais la situation semble encore loin d'être stabilisée.

Interrogé dans l'émission Tout un Monde, Charles Gaudry, responsable du programme pour le Yémen de Médecins sans Frontières (MSF), évoque depuis la ville yéménite d'Hodeida une "réalité dramatique" où ses équipes travaillent "sous les balles qui sifflent".

"Nous recevons énormément de blessés civils, de femmes, d'enfants et de personnes âgées (...) la population est prise entre deux parties au conflit", évoque-t-il, en ajoutant que "les services de base à la population comme le système de santé ou l'éducation se sont complètement dégradés ou sont devenus inexistants".

Le "bruit" de famine nuit aux besoins immédiats

Questionné sur le risque de famine souvent mis en avant dans les médias, Charles Gaudry concède qu'à l'heure actuelle, il est incapable de confirmer ou d'infirmer cette information. Il s'estime toutefois sûr que dans certaines localités, des enfants sont atteints de malnutrition.

Pour autant et sans nier ce risque, il précise que les habitants d'Hodeida ne sont pas en train de mourir de faim: "ils sont en train de mourir de blessures par balle, ils sont en train de mourir sous les bombardements, ils ont besoin de soins chirurgicaux d'urgence et tout ça n'est pas en place".

"Avec tous ces bruits de famine, toute l'aide se focalise sur la malnutrition", ajoute-il. Le responsable de MSF constate le même problème avec l'épidémie de choléra qui avait frappé le pays: "Il y a eu une grosse épidémie de choléra, c'est vrai, mais ceci a orienté l'aide (...) aujourd'hui on passe dans des hôpitaux et l'on voit de l'argent arriver pour le choléra alors qu'il n'y a pas vraiment de patients".

"Le problème, c'est l'orientation de l'aide et les manques que cela laisse sur d'autres besoins criants et extrêmement importants aujourd'hui", conclut Charles Gaudry.

Propos recueillis par: Eric Guevara-Frey

Adaptation web: Tristan Hertig

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Difficultés à travailler sur le terrain

S'exprimant sur la façon dont MSF est autorisée à travailler au Yémen, Charles Gaudry admet que cela n'est "pas facile". Il évoque des procédés "extrêmement compliqués et lents" et des administrations "très lourdes" des "deux côtés de la ligne de front".

"Médecins sans Frontières ne cesse d'appeler les partis à faire mieux et à garantir un accès humanitaire correct, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. On arrive à travailler, mais c'est une lutte quotidienne" concède-t-il encore.