Medellin del Ariari, petite bourgade au centre de la Colombie, à cinq heures au sud de Bogota. Comme tous les matins, Dona Mary prépare un café dans sa cuisine délabrée, et s’installe à l’ombre de sa modeste ferme.
Pour cette sexagénaire, le temps s'est figé il y a 32 ans, le jour où son fils cadet de 6 ans et son compagnon ont quitté le village. Elle ne les a jamais revus.
"Au début, je les cherchais partout, se souvient-elle, mais personne ne pouvait rien me dire. Aujourd’hui non plus."
Pour retrouver la paix, Dona Mary doit savoir ce qui est arrivé à sa famille. "Je demande à mon Dieu que l'on retrouve au moins quelques os."
Mary n'est pas seule à vivre avec un deuil inachevé. Durant le conflit, quelque 100'000 Colombiens ont été assassinés par la guérilla, les paramilitaires ou les forces de l'ordre, sans que leur corps ne soit jamais retrouvé.
A la recherche des corps
C'est pour aider toutes ces familles à panser leurs blessures qu'a été créé, lors des accords de paix, un système de justice spéciale pour les crimes du conflit.
Ce dernier comprend une commission de la Vérité, un tribunal spécial et une unité de recherche des personnes disparues, chargée de localiser leurs corps au moyen de tests ADN et de témoignages.
"La disparition forcée est un des pires crimes contre l’humanité, parce qu’on garde toujours un espoir", estime Jaime Léon, qui accompagne les proches des disparus.
Ce travail de mémoire est à son sens primordial pour retrouver la paix. En plus d'apprendre ce qu'il s'est passé, "ceux qui ont commis ces crimes pourront raconter pourquoi ils l’ont fait, et nous pourrons finalement faire un pas vers la réconciliation."
A Medellin del Ariari, bien avant que l'Etat ne mette sur pied cette commission, l'Eglise aidait déjà les familles à rechercher leurs proches disparus.
Le père Norbey raconte que, l'année passée, quatre disparus ont pu être indentifiés. Quatre sur plus de 100'000 disparus, mais quatre familles qui peuvent enfin retrouver une certaine sérénité.