Pour le géographe Fabrice Balanche, interviewé dans l'émission Forum de la RTS, cette décision incarne surtout la victoire du président turc Recep Tayyip Erdogan: "Donald Trump a cédé aux menaces du président turc (...) l'offensive d'Ankara se préparait sur les forces kurdes à l'est de l'Euphrate et les Américains ont sans doute pensé un peu naïvement que les Turcs ne mettraient pas leurs plans à exécution. Ils se rendent compte que ce n'est pas le cas".
Pour le spécialiste de la Syrie, la décision américaine apparaît somme toute logique: "Pour les Américains, il vaut mieux partir maintenant, sur un constat de victoire contre le groupe Etat islamique (EI), plutôt que de devoir partir dans le cadre d'une guerre entre Turcs et Kurdes. La situation dans l'est de la Syrie est assez critique (...) c'est un désastre économique et on ne peut pas dire que la gestion de la région par les Kurdes soit bonne (...) la domination kurde exacerbe notamment les tensions avec les populations arabes".
Le groupe Etat islamique n'était qu'un prétexte pour rester
Questionné pour savoir si laisser la main à la Turquie n'allait pas affaiblir la lutte contre le groupe Etat islamique, le maître de conférence à l'Université Lyon II constate que depuis un an, "les milices kurdes piétinent" devant quatre villages tenus par le groupe djihadiste.
Fabrice Balanche évoque même une "complicité du commandement américain". Pour lui, Daesh (le groupe Etat islamique) n'est qu'un prétexte pour rester et bloquer l'influence iranienne sur le terrain". Cette position semble toutefois avoir changé, car Donald Trump semble désormais penser qu'en ayant de meilleures relations avec la Turquie, il sera au final plus facile de contrer Téhéran.
Et la seule solution pour Washington d'améliorer ses relations avec Ankara est de ne plus s'associer aux milices kurdes.
Les Français ne pourront pas rester
Après l'annonce de Donald Trump, la France a annoncé que contrairement à son allié, elle comptait rester présente dans l'est syrien. Fabrice Balanche ne semble pas croire à cette version: "On voit mal les Français rester dans le nord-est de la Syrie (...), il y a 400 hommes. Ils vont devoir partir."
Propos recueillis par Mehmet Gultas
Adaptation web: Tristan Hertig
Vers la création d'une ceinture arabe à la frontière turque
Pour Fabrice Balanche, l'offensive turque à venir va mener à ce qu'il s'est passé dans le district kurde d'Afrin. Les forces armées d'Ankara vont sans doute chasser une partie de la population kurde et la remplacer par des réfugiés syriens d'Idleb ou de la région de Damas.
L'idée est de "créer une ceinture arabe à la frontière turco-syrienne, qui protège définitivement la Turquie de l'irrédentisme kurde", conclu l'expert.