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L'Allemagne dit adieu à l'extraction de la houille et à ses "gueules noires"

Plus d'un tiers de l'électricité allemande provient encore de l'exploitation du charbon.
Plus d'un tiers de l'électricité allemande provient encore de l'exploitation du charbon. / 19h30 / 2 min. / le 22 décembre 2018
Les "gueules noires" de la Ruhr ont plongé une dernière fois vendredi dans leur houillère de Bottrop. Avec la fermeture de ce dernier puits, c'est une page importante de l'histoire industrielle allemande qui se tourne.

Après des semaines de documentaires et d'éditions spéciales, cet adieu solennel à la houille a été retransmis en direct à la télévision. La cérémonie s'est déroulée en présence du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et du président allemand Frank-Walter Steinmeier.

"Glückauf Kumpel!": vêtus de leurs casque et uniforme blanc, les mineurs ont lancé un ultime "Bonne chance camarade!", leur phrase rituelle lorsqu'il fallait percer une "veine" et conjurer le danger toujours présent. Puis ils ont remonté un dernier bloc de charbon, "l'or noir" allemand envoyé aux oubliettes par la houille étrangère à bas coût.

Mine
L'Allemagne salue pour la dernière fois ses gueules noires / L'actu en vidéo / 1 min. / le 21 décembre 2018

Dans les livres d'histoire

Les galeries, creusées pendant 150 ans à la pioche puis à la foreuse, seront ensuite scellées et progressivement noyées par les eaux de ruissellement. L'extraction de la houille sur le sol allemand ne sera désormais plus racontée que dans les musées.

Depuis onze ans déjà, les 1500 salariés de la fosse de Prosper-Haniel se préparaient à cette fermeture annoncée, dans une Ruhr qui a compté jusqu'à 600'000 mineurs après la Seconde Guerre mondiale. La fermeture de cette mine aujourd'hui s'explique par la concurrence étrangère, notamment chinoise: en Chine, extraire une tonne de houille revient à 80 euros, contre 250 en Allemagne.

Dès jeudi, les églises et cathédrales de la région ont organisé des messes dédiées alors que les clubs de football rhénans, Dortmund et Schalke en tête, ont rendu hommage avant les rencontres à leurs racines minières.

>>  Le 19 décembre, les joueurs de Schalke portaient chacun un maillot avec le nom d'une des anciennes mines de la région

Car les hauts fourneaux qui se dressaient sur les collines rhénanes depuis le XIXe siècle et ces mines descendant jusqu'à 1500 mètres sous terre représentaient bien plus qu'un outil de travail.

"Au fond", il y avait une société ouvrière et masculine avec son jargon, son entraide, ses échanges sans détour et sa passion pour le foot, qui se prolongeait à l'église et au comptoir des "Kneipe" (bistrots).

>> Le reportage de Tout un monde :

Un mineur de la mine de charbon de Bottrop, en Allemagne. [Keystone - Martin Meissner]Keystone - Martin Meissner
Une page se tourne avec la fermeture de la dernière mine de la Ruhr, en Allemagne / Tout un monde / 5 min. / le 17 décembre 2018

afp/cab

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L'Allemagne n'en a pas fini avec le charbon

Pour l'Allemagne, qui avait maintenu les mines sous perfusion financière pour éviter un choc trop brutal, l'adieu à la houille est toutefois loin de signifier l'abandon du charbon.

Près de 40% du mix électrique allemand repose encore sur ce minerai, sous ses deux formes: la houille importée et plus encore son cousin très polluant et bon marché, la lignite.

Le pays compte ainsi plusieurs immenses mines de lignite à ciel ouvert. Et les centrales au charbon venues d'Australie ou de Chine turbinent à plein régime, y compris dans la Ruhr.

La première économie européenne est en effet lancée dans une transition énergétique périlleuse, et a besoin du charbon pour accompagner la sortie du nucléaire, tandis que la montée en puissance des renouvelables pose des problèmes de transport et de stockage.

Pressé par ses engagements climatiques, le gouvernement dévoilera début février les grandes lignes de son plan d'abandon progressif du charbon, pour l'heure attendu à l'horizon 2050.