Le ciel laiteux de Kinshasa empêche de voir les limites de cette impressionnante capitale de la République démocratique du Congo (RDC), la plus grande agglomération francophone au monde. Sur les artères principales, le va-et-vient des taxis, les klaxons, les cris et les chansons populaires rythment le quotidien de la cité surnommée "Kin la belle".
Au coeur de la ville, la troisième plus peuplée d'Afrique, le quartier de Pakadjuma est tristement réputé pour ses bandits et ses prostituées. Pas d'électricité ni d'eau courante dans ce bidonville singulier, traversé par une voie de chemin de fer.
"Au Congo, on est soit très riche, soit très pauvre", raconte au 19h30 Emmanuel Lupa, producteur qui connaît bien le quartier et ses habitants originaires essentiellement de la province de l'Equateur. "Et ici, on se sent abandonnés, car l'État est complètement démissionnaire au niveau social."
La capitale des enfants des rues
Ville de tous les superlatifs, Kinshasa détient également le plus triste des records: celui du nombre d'enfants des rues. Face à cette réalité, des éducateurs tentent d'aider les mineurs, que ce soit avec des cours d'alphabétisation donnés dans un orphelinat de fortune, un lieu qui offre au moins un toit pour se protéger de la pluie et un repas quotidien. Ou sur les marchés pour suivre les enfants qui survivent en faisant des petits boulots payés 10'000 francs congolais par jour, soit près de six francs suisses.
Quelle est l'ampleur exacte de ce phénomène? Et quelle est la sociologie des habitants de Kinshasa dans leur ensemble? Difficile de répondre à de telles questions car le dernier recensement de la population date des années 1960. L'État congolais a désormais besoin de 220 millions de dollars pour cartographier sa population, et principalement la capitale et ses 18 millions d'habitants. Et déterminer comment Kinshasa doit grandir.
"Pour le moment, tout a été fait de manière désordonnée, car il n'y a pas vraiment un plan d'urbanisme qui définit comment la ville doit s'étendre correctement", précise Metela Shumb Cyprien, directeur de l'état civil.
Une classe minoritaire de nouveaux riches
Mais Kinshasa, c'est aussi une ville où tout se vend et tout s'achète à prix d'or. La capitale constitue depuis 20 ans le pôle d'attraction économique de tout le pays. Dans le quartier des affaires, au centre-ville, des personnages hauts en couleur, qui ont connu l'Europe avant de revenir en RDC, appartiennent à une caste de nouveaux riches qui a su profiter du néant et des potentialités du pays.
A l'image du directeur Costa, revenu au Congo depuis 20 ans. Celui qui a débuté dans la location d'échafaudages travaille désormais en famille et emploie une trentaine de personnes.
"Je suis parti de rien! Ici, il faut commencer par ramener les idées, puis faire un bon business plan", affirme l'homme d'affaires. "Ce que l'on a étudié à l'étranger, il faut le ramener au Congo, il n'y a pas à hésiter, il y a de l'argent à gagner!"
Une promesse qui fait écho à celles des candidats aux élections générales de dimanche, affirmant qu'ils relèveront le pays et ses institutions. Des promesses qu'aimeraient croire les 80% de Kinois qui vivent dans le dénuement le plus total.
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Annabelle Durand/tmun
Un compte à rebours explosif d'ici dimanche
Le compte à rebours des élections prévues dimanche en RDC a repris vendredi avec l'échec d'une grève générale à l'appel d'une partie de l'opposition. Celle-ci est donnée favorite par un sondage qui pointe "un potentiel de violence extrêmement élevé" après le scrutin.
Après trois reports depuis fin 2016, les Congolais doivent désigner le successeur de Joseph Kabila, qui a renoncé à briguer par la force un troisième mandat interdit par la Constitution. Trois candidats se détachent dans la course à sa succession: son "dauphin" Emmanuel Ramazani Shadary, donné perdant par les sondages de trois organismes, et les deux opposants, Martin Fayulu et Félix Tshisekedi.
Quelque 1,2 million d'électeurs - sur 40 d'enregistrés - ne pourront pas voter, principalement dans les poudrières de Beni et Butembo, dans l'est du pays, où les élections ont été reportées au mois de mars. Raison invoquée: les tueries de civils et l'épidémie d'Ebola.
(afp)