Désengorger le grand Caire, asphyxié par les embouteillages et la pollution, et résorber le problème chronique de la surpopulation sont des objectifs prioritaires des autorités égyptiennes. Celles-ci ont ainsi de longue date voulu étendre la capitale vers l'est, dans le désert. Mais le projet a sans cesse été repoussé, jusqu'à être relancé à l'arrivée au pouvoir du président Abdel Fattah al-Sissi en 2014.
Dès mars 2015, un projet de nouvelle capitale administrative et financière est présenté avec pour objectif de déménager le palais présidentiel, une trentaine de ministères et les principales administrations du pays avant 2020. Les travaux ont débuté moins d'un an plus tard. A terme, le monstre en construction devrait compter plus de 6 millions d'habitants répartis sur quelque 700 km2.
Des infrastructures gigantesques
Des centaines de kilomètres d'autoroutes ont tout d'abord été construits, suivis par autant d'immeubles locatifs. Un aéroport international sera construit à proximité et des dizaines d'écoles et infrastructures de santé vont sortir de terre. Des gratte-ciel futuristes, un stade olympique et des universités sont également prévus.
Plus de 1200 lieux de culte sont aussi en construction ou déjà construits, à l'image d'une impressionnante nouvelle mosquée ou de l'immense cathédrale copte inaugurée début janvier par le président lui-même.
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Quelque 20'000 ouvriers travaillent chaque jour sur les différents chantiers. Les autorités assurent que cette nouvelle ville sera écoresponsable et ultramoderne. Elles en vantent d'ailleurs les mérites sur des publicités au bord des routes pour pousser les Cairotes à aller s'y établir.
Un financement opaque
Mais derrière ce colosse urbain se cache aussi des critiques concrètes. En premier lieu à cause du coût tout aussi pharaonique du projet. Celui-ci est en effet évalué à plus de 45 milliards de francs, alors que l'économie égyptienne est au plus mal et que le pays a demandé l’aide du FMI en 2016.
De nombreux observateurs critiquent l'opacité du financement de ce projet, sur lequel les autorités sont peu bavardes. La Chine a apporté son soutien financier, tout comme l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, mais les modalités demeurent peu claires. Et d'aucuns jugent que ces fonds colossaux auraient pu être utilisés à meilleur escient.
Colosse aux pieds d'argile?
En outre, de l'avis de nombreux experts, cette nouvelle capitale que l'on qualifie de remède miracle pour lutter contre la surpopulation pourrait bien être une fausse bonne idée. La nouvelle cité du désert pourrait au final ressembler aux nombreuses villes nouvelles destinées aux classes les plus aisées, autour du Caire, avec un taux d’occupation très faible, car peu d'Egyptiens ont les moyens de louer ou acheter les nouveaux logements.
L'accès à l'eau et son évacuation, le problème des ordures ou l'approvisionnement en électricité sont aussi des problèmes régulièrement soulevés. Nombre d'habitants de la ville historique du Caire, dont 60% vivent dans des conditions très précaires, se disent en colère contre leurs autorités, qui optent pour le gigantisme au lieu de se préoccuper de leur quotidien.
Au final, pour les plus pauvres, la nouvelle capitale ne sera certainement qu'un mirage.
Sujet TV: Eric de Lavarène
Adaptation web: Frédéric Boillat