Le Forum économique mondial (WEF) ouvre ses portes mardi à Davos sur fond de ralentissement de la croissance mondiale, avec notamment les tensions commerciales entre Pékin et Washington.
Les taxes douanières ont accéléré le ralentissement de l’économie chinoise. Plusieurs entreprises, dont Apple, ont récemment revu à la baisse les prévisions de vente pour l’an prochain. La raison invoquée est notamment la guerre commerciale et la baisse de la consommation en Chine. Dans le pays, plusieurs entreprises tournent déjà au ralenti, dont les sous-traitants d'Apple.
Baisse des commandes d'Apple
Affaires personnelles sommairement emballées dans des sacs plastiques, valises posées à même le sol: des dizaines d’ouvriers évacuent leurs baraques dans la grisaille d'un matin de janvier. Le congé du nouvel an chinois n'est que dans trois semaines, mais ces travailleurs quittent Hujiancun, vaste zone industrielle de Shanghai. Amassés sur un trottoir, ils attendent leur bus. La plupart d'entre eux ne reviendra pas.
"C’est principalement à cause de la baisse des commandes d’Apple", explique l'un d'eux. "Pegatron a dû couper le nombre de travailleurs. Il n’y a pas d’autres raisons."
"Cette fin d’année est particulièrement mauvaise", confirme un cuisinier qui travaille à proximité. "Cela semble être lié avec cette entreprise, Pegatron. Mon chiffre d’affaires a baissé d’un tiers environ."
Près de la moitié des collaborateurs partis
Pegatron est l’un des principaux sous-traitants d’Apple. Microsoft ou Huawei comptent également parmi ses nombreux clients. Mais le travail manque et les salaires sont sous pression, comme le confirme cet ouvrier sur le départ.
"En octobre, j’ai travaillé 13 jours pour 300 francs seulement. Le mois suivant, j’ai fait un temps plein pour 500 francs. Et en décembre, c’était à nouveau 300 francs seulement."
De nombreux collègues sont partis, témoigne l'ouvrier. "Quarante, peut-être 50% des travailleurs. Dans ma chaîne de production, la plupart de 200 à 300 employés sont loin. Il reste une dizaine de personnes."
Salaires compressés
Ils sont des milliers à être victimes du contexte économique tendu. Autrefois forte de 50'000 employés, l'entreprise Pegatron a récemment délocalisé des chaînes de production à Taïwan. Elle limite en outre les heures supplémentaires: les ouvriers à la semaine doivent se contenter de leur salaire de base, un montant insuffisant pour survivre.
En face des grilles de l’usine, des entreprises viennent recruter les nouveaux sans-emploi. Devant son scooter flanqué d’une affiche, un représentant de Meitian Waimai, une entreprise de livraison à domicile, tente de convaincre. "Ici, tu peux gagner plus de 1000 francs par mois en livrant de la nourriture. Et plus si tu travailles dur."
"Transition vers l'économie tertiaire"
Tous retrouveront-ils un emploi? Combien resteront sur le carreau? Ding Yuan, doyen de la China Europe International Business School, relativise le phénomène des sans-emploi. Car la Chine est en pleine transition d’une économie secondaire vers une économie tertiaire. "Il y aura une redistribution douloureuse des emplois d’un secteur de l’économie vers un autre", affirme-t-il. "Mais le secteur des services a un énorme potentiel et viendra booster l’économie chinoise avec la création de plus d’emplois. L'impact du choc sera donc absorbé."
Son optimisme est loin de faire l’unanimité des observateurs. La transition industrielle et le ralentissement économique chinois sont certes prévus de longue date, mais l’offensive commerciale américaine a largement précipité ce processus. L'impact social est d'autant plus difficile à évaluer que les données fiables manquent: le chômage reste un sujet tabou en Chine.
Sujet et réalisation: Michael Peuker
Adaptation web: Katharina Kubicek