"Mort au dictateur", "mort à Rohani" scandaient il y a tout juste un an des manifestants en colère dans des dizaines de villes iraniennes. On a vu des portraits du guide suprême Ali Khamenei brûler dans les rues, on a entendu les protestataires fustiger la politique du président. Ces derniers mois, d'autres mouvements sociaux, moins médiatisés, ont éclaté dans diverses régions du pays.
"Plus de 80% des Iraniens veulent se débarrasser du régime religieux", affirme dans Géopolitis Mahnaz Shirali, enseignante à Sciences Po Paris. "La situation économique, politique et culturelle du pays s'est beaucoup dégradée. Mais après une répression massive, le régime a réussi à écraser la résistance des Iraniens." Amnesty International dénombre au moins 7000 arrestations en un an.
Le poids des sanctions
Le régime, qui s'apprête à célébrer le 40e anniversaire de la révolution islamique, fait face à la contestation interne. Il doit aussi résister au retour des sanctions imposées par l'administration américaine. Donald Trump a promis "les plus dures sanctions de l'histoire". Elles visent à frapper l'Iran au coeur: ses exportations de pétrole. Dans un premier temps, Washington a tout de même accordé à huit pays une dérogation, qui concerne notamment la Chine, le Japon, l'Inde et la Turquie, parmi les plus gros clients de l'Iran.
Selon certaines sources, les exportations de pétrole pourraient déjà avoir chuté de moitié. Le retrait des constructeurs automobiles français et de l'allemand Daimler Mercedes pourrait coûter un million d’emplois à l’économie. La monnaie nationale, le rial, a perdu en un an 60% de sa valeur par rapport au dollar. L'inflation galope: au moins 20% sur l’année 2018, et même 40% pour le seul mois de novembre.
L'Europe ne fait pas le poids face à l'hégémonie américaine.
Le régime iranien peut-il compter sur l'Europe pour alléger le poids des sanctions? "Avec le retrait unilatéral des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien, on a compris à Téhéran que l'Europe ne faisait pas le poids face à l'hégémonie américaine", souligne Mahnaz Shirali.
Face à Israël
Son engagement dans la guerre en Syrie a permis à l'Iran de renforcer son influence dans un Moyen-Orient qui apparaît toujours comme l'une des principales zones sismiques du système international. La victoire militaire de Bachar el-Assad est aussi la victoire de l'Iran.
"Le but de Téhéran est d'être l'acteur le plus fort du Moyen-Orient. Accéder à la Méditerranée par la Syrie, pour exporter son gaz. C'est pour cette raison que l'Iran a investi lourdement dans la guerre en Syrie, au détriment des Iraniens et de l'économie iranienne", relève Mahnaz Shirali. "Téhéran n'ayant pas l'intention d'abandonner ses gains sur le terrain, il y a un grand risque d'une confrontation directe avec Israël."
Mélanie Ohayon, Marcel Mione