Peu avant 19H00 (12H00 GMT), l'armée a été appelée en renfort et
des soldats non-armés ont commencé à se déployer dans la capitale
thaïlandaise. Pendant toute la journée, la police a tenté de
disperser des milliers d'opposants en faisant abondamment usage de
gaz lacrymogènes, parfois en tirs tendus, selon des témoins.
Au moins huit policiers ont été blessés par des tirs ou après
avoir été poignardés lors de ces affrontements. Des témoins ont
indiqué avoir entendu de nombreux coups de feu alors que la police
tentait d'ouvrir un corridor de sécurité pour permettre aux
parlementaires coincés dans le Parlement thaïlandais d'en
sortir.
Un mort et des centaines de blessés
Des manifestants ont pour leur part renversé des véhicules et
utilisé des armes à feu dans certaines avenues autour du Parlement
transformées en champ de bataille, selon des journalistes sur
place. Au moins quatre policiers ont été blessés par balle et
quatre autres ont reçu des coups de couteau, a précisé la
police.
Un hôpital a confirmé la mort d'une manifestante âgée d'une
vingtaine d'années. Un homme a aussi été tué par l'explosion d'une
bombe dans une jeep non loin du Parlement, selon un colonel, qui
n'a pas formellement lié ce décès aux désordres. Un centre national
d'urgence a actualisé le bilan des violences de la journée, faisant
état de 394 blessés, dont 49 ont été hospitalisées.
En dépit de la gravité de la situation, le Premier ministre
thaïlandais Somchai Wongsawat, élu il y a à peine trois semaines au
Parlement, a refusé d'envisager la proclamation de l'état
d'urgence. "Non, je ne pense pas à cela du tout", a-t-il déclaré en
excluant également toute démission pour l'instant. "Je continuerai
mon travail", a-t-il dit.
Députés séquestrés
Pendant plusieurs heures, les protestataires ont réussi à
bloquer toutes les issues du Parlement, piégeant à l'intérieur des
centaines de députés et de sénateurs venus écouter la première
déclaration de politique générale de Somchai Wongsawat, 61 ans. Le
discours de ce dernier a été boycotté par les parlementaires de
l'opposition, qui ont dénoncé une "utilisation excessive de la
force" contre des "manifestants pacifiques".
Le Premier ministre a ensuite dû escalader une grille pour
s'échapper du Parlement et ce n'est que dans l'après-midi que les
forces de sécurité ont réussi à débloquer certains accès,
permettant aux députés et aux sénateurs de s'enfuir à bord de
véhicules qui les attendaient.
Selon des médias thaïlandais, la reine Sirikit a fait un don de
100'000 bahts (2200 euros) pour venir en aide aux personnes
blessées par la police. Les manifestants appartiennent à
"l'Alliance du peuple pour la démocratie" (PAD), cette coalition
hétéroclite d'opposants qui occupe depuis le 26 août le siège du
gouvernement à Bangkok (lire ci-contre).
afp/sbo
Rappel des faits
La PAD, qui compte parmi ses dirigeants des hommes d'affaires, d'anciens officiers et des syndicalistes, a juré de poursuivre son mouvement de protestation tant que le Parti du pouvoir du peuple (PPP) serait au gouvernement.
Le PPP est dominé par des alliés de Thaksin Shinawatra, qui a gouverné la Thaïlande de 2001 à 2006 avant d'être renversé par des généraux royalistes et de se réfugier en Grande-Bretagne à la suite d'accusations de corruption.
Somchai Wongsawat n'est autre que le beau-frère de Thaksin. Il a été élu Premier ministre par le Parlement le 17 septembre, en remplacement de Samak Sundaravej, contraint de démissionner après avoir été la cible des manifestants de la PAD et d'un jugement défavorable de la Cour constitutionnelle.
La tension politique a commencé à remonter en Thaïlande lorsque deux leaders de la PAD, Chaiwat Sinsuwong et Chamlong Srimuang, ont été arrêtés séparément vendredi et dimanche.
Au total, neuf responsables de la PAD font l'objet de mandats d'arrêt pour "insurrection" et "trahison". Le PPP a pris la tête du gouvernement à l'issue des législatives du 23 décembre 2007, premières élections depuis le putsch contre Thaksin qui a demandé l'asile politique à Londres.