L'économie américaine a perdu 533'000 emplois nets en novembre,
selon les données corrigées des variations saisonnières publiées
vendredi par le département du Travail à Washington. Il faut
remonter à décembre 1974 pour trouver trace d'un mouvement d'une
ampleur plus importante.
Les chiffres du ministère enfoncent une nouvelle fois les
prévisions des analystes, qui tablaient sur 325'000 suppressions
d'emplois. L'économie américaine va d'autant plus mal que le
ministère a revu en forte hausse son estimation du nombre d'emplois
détruits au cours des deux mois précédents: 403'000 en octobre (au
lieu des 240'000 annoncés initialement) et 320'000 en septembre (au
lieu de 284'000).
Capitulation
L'économie «capitule sur tous les fronts. La menace d'une
dépression généralisée est présente et bien réelle», estime Peter
Morici, professeur d'économie à l'Université du Maryland. Pour John
Ryding, analyste du cabinet RDQ Economics, ces chiffres laissent
présager d'un recul du produit intérieur brut américain de «5% ou
plus en rythme annuel au quatrième trimestre», après la baisse de
0,5% enregistrée pendant les trois mois d'été.
Le ministère du Travail a estimé le taux de chômage à 6,7% de la
population active en novembre (niveau qui n'avait plus été constaté
depuis octobre 1993), en hausse de 0,2 point par rapport à octobre.
Les analystes attendaient 6,8%, mais 422'000 personnes ont cessé
d'être comptabilisées dans la population active entre octobre et
novembre, ce qui a contribué à ralentir la progression du
taux.
Pour ne rien arranger, le constructeur automobile américain
General Motors a annoncé vendredi une série de fermetures
temporaires d'usines et de suppressions d'équipes, qui devraient
conduire au chômage technique 4000 de ses employés. L'annonce de
vendredi, suite à de premières annonces similaires en novembre,
porte de 2000 à 4000 le nombre de salariés réduits à l'inactivité
en raison de la réduction de la production.
Bush lache le mot "récession"
Le président George W.Bush a reconnu
vendredi pour la première fois publiquement que l'économie
américaine était en récession et que les mauvais chiffres du
chômage publiés le jour même pour novembre en étaient le
reflet.
George W.Bush a assuré que son administration s'employait à
traiter ces causes, mais n'a pas signalé être disposé à un second
plan de relance économique, réclamé par son successeur Barack Obama
et les démocrates, les adversaires du président sortant, après
celui mis en oeuvre début 2008.
Au moment où les trois grands constructeurs automobiles américains craignent
pour leur survie et tâchent d'obtenir une aide publique, George
W.Bush a déclaré que le Congrès devait agir la semaine prochaine et
se servir des propositions qu'a faites son administration.
agences/cab
Les services très touchés
Les suppressions de postes ont été fortes dans les principaux secteurs de l'industrie, qui a perdu 163'000 postes, mais encore plus importantes dans les services, qui ont supprimé 370'000 emplois.
Au cours des huit premiers mois de l'année, les pertes d'emplois avaient été en majeure partie limitées aux secteurs de la construction et de l'industrie manufacturière.
Depuis le début officiel de la récession aux Etats-Unis, en décembre 2007, le taux de chômage américain a monté de 1,7 point de pourcentage.
Les suppressions d'emplois ne cessent de s'accélérer: de septembre à novembre, il y en a eu en moyenne 419'000 par mois, contre 82'000 en moyenne de janvier à août.
Le gouvernement américain dénombrait 10,3 millions de chômeurs en novembre, soit 2,7 millions de plus qu'au début de l'année.
Wall Street rebondit et le brut plonge
Les Bourses européennes ont été assommés par ces chiffres.
À la clôture, Paris perdait 5,48%, Francfort 4%, Londres 2,74% et Zurich 2,09%.
Après une chute de plus de 2%, Wall Street s'est nettement repris en deuxième partie de séance, porté par les valeurs financières et technologiques: l'indice Dow Jones a gagné 3,09% et le Nasdaq 4,41%.
Le marché du pétrole a aussi accusé le coup des chiffres du chômage américain car une baisse sensible de la consommation de brut est redoutée du fait de l'aggravation de la récession.
Le pétrole a franchi vendredi le seuil de 40 dollars le baril pour la première fois depuis près de 4 ans.
Le baril est tombé à 39,35 dollars à Londres et 41,50 dollars à New York, des niveaux plus observés depuis, respectivement, janvier 2005 et décembre 2004.