"Obtenir un revenu raisonnable sans travailler, est-ce vraiment la vie que l'on veut?" Un grand oui, répondraient certains! Dans l'émission Géopolitis le directeur général de l'OIT Guy Ryder s'explique: "Je comprends la motivation, mais à mon avis cela représente un abandon du travail. Cette idée postule qu'on n'est plus en mesure d'organiser le monde du travail pour assurer à chacune et chacun un revenu décent." "Le travail a une valeur en soi", insiste Guy Ryder, "une valeur sociale, mais aussi une valeur qui touche au développement des capacités de chacun d'entre nous".
Des expériences pilotes
Revenu de base, revenu universel ou revenu citoyen, nombreuses appellations pour un même principe: chaque individu recevrait de l'Etat une somme d'argent fixe indépendamment de sa fortune ou son revenu, afin de satisfaire ses besoins de base. L'idée fait son chemin dans plusieurs pays du monde. Une expérience pilote a été testée, puis abandonnée en Finlande entre 2017 et 2018. Une autre devrait se concrétiser en Californie, à Stockton, ville rurale de près de 300'000 habitants. Dès février, 500 dollars par mois devraient être versés aux habitants durant un an et demi. Au Kenya, l'ONG GiveDirectly s'est engagée à verser 20 dollars par mois à tous les habitants d'un village défavorisé durant 12 ans. Et en Suisse, on se souvient que l'initiative pour le "revenu de base inconditionnel" a été balayée par le peuple en 2016.
Le projet kenyan reçoit d'ailleurs le soutien financier du fondateur d'eBay Pierre Omidyar. A l'instar de Chris Hughes, cofondateur de Facebook et Elon Musk (Tesla), il n'est pas le seul patron de la Silicon Valley à s'intéresser au revenu universel. "Cela ne m'étonne pas du tout", s'exclame Guy Ryder, "la Silicon Valley nous réserve peut-être un avenir où tout le monde travaille pour une plate-forme numérique, qui impliquera que nous allons gagner de l'argent certains jours et demain peut-être pas du tout. Donc, un socle de revenu universel serait nécessaire."
Cette image pour le 21e siècle me rappelle beaucoup le 19e siècle.
Mon patron est un robot
Quatrième révolution industrielle rime avec robotisation et intelligence artificielle. A l'image des sociétés Uber ou Deliveroo, les nouvelles entreprises 4.0 exploitent des applications mobiles qui pilotent, encadrent en temps réel leurs collaborateurs et évaluent leurs performances. Le plus souvent, des horaires à la carte, donc une grande indépendance. Mais le statut d'auto-entrepreneur et non d'employé n'offre aucune sécurité de l'emploi.
"Cette image pour le 21e siècle me rappelle beaucoup le 19e siècle", déplore Guy Ryder. "C'était l'époque du travailleur journalier qui devait se présenter sur la place du village. Aujourd'hui il travaille, mais si le patron ne veut pas, il ne travaille pas. Je pense que ce n'est pas ce chemin-là qu'il faut suivre. (...) Si on travaille sans le minimum garanti et sans la moindre protection sociale, il faut se poser des questions."
Dans les économies les plus avancées, en Asie ou aux Etats-Unis, le World Economic Forum (WEF) estime que d'ici 2050 la moitié des emplois actuels vont disparaître et être remplacés par des systèmes robotisés ou automatiques. "Sans doute", admet Guy Ryder. Mais le patron de l'OIT s'est réjoui en apprenant qu'un hôtel totalement automatisé au Japon venait de licencier ses robots pour les remplacer par des employés en chair et en os.
Mélanie Ohayon