Voisin de la Syrie, de l'Irak, d’Israël et des Territoires palestiniens occupés, le royaume de Jordanie accueille plus de trois millions de réfugiés, surtout palestiniens et syriens.
Mais la Jordanie a également ouvert ses portes aux animaux "réfugiés", qui vivaient dans des zoos abandonnés ou détruits dans les violences. Le centre animalier d’Al Ma'wa, dans le nord du pays, couvre 110 hectares au sommet d’une colline située à 1200 mètres d’altitude, parfois enneigée en hiver, et bien à l’écart des zones habitées.
"Mener une vie paisible"
Vingt-huit personnes travaillent à Al Ma'wa, un "sanctuaire" pour animaux réfugiés. "Au fil des ans, la Jordanie a toujours accueilli des gens en provenance de différentes zones de guerre. Le pays a ouvert ses portes à l’humanité, cela fait partie de notre mission en tant que Jordaniens", affirme Mustafa Khraisat, gérant du centre. "Nous accueillons tout le monde, qu'il s'agisse d’êtres humains ou d’animaux. Nous les traitons avec soin pour qu’ils mènent une vie paisible ici."
Les 23 animaux recueillis à Al Ma'wa ont connu leur lot de périples avant d'arriver dans leur sanctuaire (lire encadré). Ils consomment chaque semaine environ 500 kilos de viande, qui proviennent des abattoirs de la région. Le fonctionnement du centre zoologique est donc coûteux. Mais d’après le directeur Malek Trela, sa mission n’est pas en danger.
Mission coûteuse
"Notre budget est compris entre 300'000 et 400'000 dinars par année (entre 420'000 et 560'0000 francs), voire davantage", indique-t-il. "Ce n’est pas simple mais nous parvenons à lever des fonds pour financer nos activités, et nous recevons beaucoup de soutien des autorités locales. Cela nous aide beaucoup."
Le directeur se dit également surpris de constater que ses concitoyens comprennent et se préoccupent du sort des animaux. "Cela montre la nature positive des êtres humains", estime-t-il.
Certains animaux recueillis à Al Ma'wa sont parfois relâchés dans la nature, notamment ceux qui vivent en Jordanie à l’état sauvage, tels les tortues, les loups et les hyènes. D’autres, comme les lions, sont envoyés dans des parcs animaliers en Afrique. D'autres encore restent là: trois lionceaux et trois ours syriens devraient arriver au centre prochainement.
Reportage: Jérôme Boruszewski
Adaptation web: Katharina Kubicek
Le périple des animaux de zoo pour fuir les zones de guerre
Les animaux réfugiés d'Al Ma'wa, s'ils avaient la parole, livreraient des récits qui rivaliseraient en horreur avec ceux de leurs compatriotes humains.
Le lion Sultan a neuf ans, il vient de Gaza. Quand il est arrivé à Al Ma'wa, il était criblé de cicatrices, dues aux bombes tombées près de son zoo. "Il va mieux maintenant. Mais s’il entend un avion dans le ciel, il court immédiatement se cacher dans son abri", explique Munjid, un employé du parc.
Enfermés avec leurs congénères morts
Sultan a comme voisins plusieurs fauves venus du zoo d'Alep, en Syrie. Lorsque les sauveteurs jordaniens sont arrivés sur place, en plein conflit, plus personne ne s’occupait de ces animaux.
"Certains animaux vivaient dans leur enclos avec d’autres animaux morts. Certains étaient forcés de les dévorer pour survivre, ou de se nourrir de leurs propres excréments. C’est le problème avec les animaux en captivité: il faut leur donner les soins dont ils ont besoin", explique le gérant d'Al Ma'wa.
Poursuivis par des groupes armés
Une fois découverts, il a ensuite fallu convoyer ces lions, tigres et ours. Leur faire traverser la Syrie s'est avéré une mission particulièrement délicate. "Toutes les frontières étaient fermées. Quand les sauveteurs ont chargé les animaux pour les transporter, ils ont été suivis par des groupes de combattants. Ils ont été menacés par des hommes armés", relate Mustafa Khraisat.
Le commerce des animaux est en effet un commerce juteux, le troisième plus lucratif dans le monde après ceux des armes et des drogues. "Les gens qui ne respectent pas l’humanité ne respectent pas le bien-être des animaux non plus", regrette le responsable.