Doha avec les Etats-Unis fin janvier, puis Moscou mardi et mercredi: les talibans multiplient les négociations sur l'avenir de l'Afghanistan, sans la présence du gouvernement. Lors d'une réunion dans la capitale russe, ils ont réclamé une nouvelle constitution islamique et appellent à la formation d'un système inclusif pour diriger le pays.
"Leur légitimité s'accroît au fur et à mesure des rencontres et des négociations", explique Jean-Luc Racine, directeur de recherche au CNRS. "Il ne s'agit plus de savoir si l'on négocie avec des terroristes ou non. Désormais, le vrai problème est de savoir quelle place doit être faite au gouvernement afghan, que les talibans tiennent pour illégitime."
La Russie joue la carte afghane
Alors que le gouvernement de Kaboul condamne la réunion de Moscou, les négociations qui y ont lieu pourraient bien être cruciales. "Il y a un grand nombre de représentants de la place politique qui considèrent que toute opportunité de dialogue avec les talibans est importante, continue le spécialiste. Et contrairement à ce qu'il se passe avec les Etats-Unis, il y a des déclarations publiques à Moscou. En particulier le refus de la constitution afghane", annoncé par Sher Mohammad Abbas Stanakzai, chef du bureau des talibans au Qatar.
Pour la Russie, l'engagement pour une paix durable doit se faire maintenant ou jamais. "La thèse de Poutine est que chacun doit s'engager pour la paix en Afghanistan", précise Jean-Luc Racine. Car derrière les insurgés, il y a une menace qui devient de plus en plus importante. "Depuis 2015, des groupes ultra-radicaux affiliés à l'Etat islamique ont émergé." Leurs revendications territoriales ne sont pas les mêmes. "La légitimité des talibans tient à leur nature d'Afghans: leur programme est d'installer un régime islamique dans leur pays."
ani
Les Afghanes inquiètes pour leur liberté
Un réseau de femmes afghanes a exhorté mardi les hauts responsables politiques de leur pays à veiller à ce que leurs libertés durement acquises ne soient pas bafouées au cours des pourparlers de paix avec les talibans. Sous le régime des insurgés de 1996 à 2001, l'école était interdite aux filles, les femmes ne pouvaient pas avoir un emploi et leur liberté de mouvement était excessivement limitée.
"Ces 17 dernières années, les femmes afghanes ont, durement, obtenu des progrès, a déclaré à l'afp Mashal Roshan, coordinatrice de l'"Afghan women network". On ne veut pas les perdre. Si les talibans reviennent et imposent des restrictions aux femmes, nous ne l'accepterons pas."