Une grande enquête du CICR menée dans 16 pays l'avait montré en 2016: plus du tiers des sondés disaient "acceptable" de torturer un combattant ennemi. Cette acceptation croissante inquiète l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), qui a tenu il y a quelques jours une réunion sur le sujet avec des activistes du monde entier. Et pour coordonner la lutte contre cette pratique interdite par les conventions internationales, tous ont décidé de lancer une initiative. Son objectif: combattre la torture dans les contextes affectés par le terrorisme.
"On fait croire que la torture est un moyen efficace de contrer le terrorisme, alors que c'est tout à fait faux et les expériences historiques le montrent", explique le vice-président de l'OMCT Dick Marty mardi dans l'émission Tout un monde.
Pour l'ancien procureur et conseiller aux Etats tessinois, il faut donc faire passer un autre message, "celui que la lutte contre le terrorisme passe tout d'abord par un travail d'intelligence, un travail rationnel, alors qu'aujourd'hui, on se fonde sur des réflexes tout à fait irrationnels - notamment la peur."
Ce sont les démocraties les plus faibles qui ont recours à la torture.
Les Américains avaient justifié le recours à la torture après le 11 Septembre. Aujourd'hui, cette acceptation progresse aussi dans le grand public. Mais "le recours à la violence, à la torture, est un acte de faiblesse", insiste Dick Marty. "Ce sont d'ailleurs les démocraties les plus faibles, les pays qui ont les institutions les plus faibles et les moins crédibles, qui ont recours à la torture. Ce sont aussi ces pays qui ont par ailleurs le moins de terrorisme."
L'organisation qu'il représente n'est pas pour autant partisane d'une réponse faible au terrorisme. "Nous disons qu'il faut des moyens plus efficaces, il faut connaître le phénomène, il faut connaître ses origines, pour savoir le contrer de la meilleure façon possible."
Souvent, la torture a porté à des aveux qui sont totalement faux.
Et le meilleur outil, "c'est de faire voir que c'est totalement inhumain, que souvent, la torture a porté à des aveux qui sont totalement faux." Mais pour le vice-président de l'OMCT, torturer et utiliser des moyens illégaux représente une victoire que l'on donne au terrorisme. "On leur donne une certaine légitimité, celle de combattre un Etat qui n'est même pas capable de respecter ses propres lois et ses propres valeurs."
Dicky Marty explique: il faut éduquer, dénoncer, documenter. "Et c'est ce que nous essayons de faire (…) C'est dans les pays où les agents de police ou les magistrats sont le moins formés, que l'on recourt le plus facilement à ces actes de violence et de torture. Plus il y a une formation professionnelle et plus on renonce à ces actions, parce qu'on se rend compte qu'elles ne sont même pas payantes du point de vue des résultats immédiats."
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey/oang