Le cabinet a jeté l'éponge après que la plus haute juridiction
du pays eut de nouveau accusé les services du Premier ministre Yves
Leterme d'avoir tenté d'interférer dans le travail de la justice
lorsqu'elle examinait les conditions du démantèlement de Fortis
décidé par le gouvernement.
Habitué des fausses sorties
Dans un document très attendu publié dans la journée, le
président de la cour de Cassation Ghislain Londers a écrit avoir
"des indications importantes" que le gouvernement d'Yves Leterme a
tenté de faire pression sur la justice, même s'il a reconnu ne pas
disposer "de preuve juridique".
Yves Leterme devait se rendre dans la soirée auprès du roi des
Belges Albert II pour présenter la démission de son gouvernement.
Le souverain peut accepter, refuser, ou se donner un délai de
réflexion. Le chef du gouvernement est un habitué des fausses
sorties.
En juillet dernier, il avait déjà démissionné faute d'avoir pu
trouver un compromis au sujet des demandes d'autonomies accrues de
la communauté flamande du pays à l'égard des francophones. Mais
trois jours plus tard le roi l'avait maintenu en poste.
Le boulet Fortis
Cette fois néanmoins, les choses semblent beaucoup plus graves.
L'affaire Fortis s'est transformée en quasi-affaire d'Etat. Des
juges affirment avoir été menacés par l'entourage de M. Leterme
pour prendre une décision conforme aux souhaits du gouvernement
dans le dossier Fortis.
Concrètement, les conseillers du Premier ministre auraient demandé
aux magistrats de valider le démantèlement du groupe financier,
décidé par le gouvernement début octobre afin de lui éviter la
faillite alors qu'il était ébranlé par la crise financière
mondiale.
Dans le cadre de ce montage, les activités bancaires belges du
groupe, considéré jusque là comme un joyau national, doivent être
vendues au géant français BNP Paribas. Et l'Etat néerlandais a
nationalisé l'essentiel des activités aux Pays-Bas.
Mais les petits actionnaires de Fortis ont multiplié les recours
judiciaires et, vendredi dernier, ils ont fini par remporter une
victoire inattendue: la Cour d'appel de Bruxelles, malgré les
pressions que le gouvernement est accusé d'avoir exercées, a exigé
qu'ils soient consultés sur le démantèlement. Un revers cinglant
pour Yves Leterme, qui gèle le transfert des actifs belges à BNP
Paribas.
afp/nr
Un pays secoué par les crises politiques
Le coup de théâtre que constitue la démission de son équipe gouvernementale intervient au pire moment pour la Belgique, aux prises comme le reste de l'Europe avec une sérieuse crise économique.
Elle replonge aussi le pays dans les turbulences politiques, dont il pensait être provisoirement sorti.
Depuis l'été 2007, le royaume a connu une crise quasi-interrompue en raison des disputes entre Flamands néerlandophones et Francophones sur l'avenir du pays.
La Belgique a été durant cette période privée de gouvernement stable pendant neuf mois.
Dans ce contexte il faut rapidement "un nouveau gouvernement qui gouverne afin d'éviter que la crise politique aggrave la crise économique et financière", a exhorté vendredi le responsable des Libéraux francophones à la Chambre des députés.