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Mort du président guinéen: situation confuse

Lansana Conté devant les Nation Unies. C'était en 1999.
Lansana Conté devant les Nation Unies. C'était en 1999.
La Guinée s'est retrouvée mardi dans une situation confuse de tentative de coup d'Etat militaire, quelques heures après l'annonce du décès de son dirigeant depuis 24 ans, le "général-président" Lansana Conté, mort à 74 ans des suites de ses maladies.

Les deux principaux responsables politiques du pays ont refusé
de reconnaître le coup de force des putschistes, le président de
l'Assemblée nationale, Aboubacar Somparé, assurant qu'une "minorité
de soldats et d'officiers" s'y trouve impliquée.

"A compter d'aujourd'hui, la Constitution est suspendue, ainsi
que toute activité politique et syndicale", a déclaré quelques
heures après le décès du président le capitaine Moussa Dadis
Camara, sur les ondes de Radio Conakry. "Le gouvernement et les
institutions républicaines sont dissous", a-t-il ajouté en
annonçant qu'un "conseil consultatif" allait bientôt être mis en
place, "composé de civils et militaires".



Le capitaine a ensuite longuement justifié le coup de force par
"le désespoir profond de la population". Et il a fustigé "les
détournements de deniers publics, la corruption généralisée" ou
encore "l'impunité érigée en méthode de gouvernement".

Appel au calme

Le gouvernement "n'est pas dissous", a plus tard assuré le
Premier ministre Ahmed Tidiane Souaré. "Je suis sûr qu'ils (les
putschistes) reviendront à la raison. Ils n'ont pas utilisé la
force. Il n'y a de menace contre personne", a-t-il affirmé. Réputé
proche du clan présidentiel, le Premier ministre a lancé un appel
«au calme et à la retenue» aux «braves populations guinéennes». Il
a demandé le concours de l'armée pour assurer cette
tranquillité.



Si aucune violence n'a été signalée dans le pays, une certaine
confusion était perceptible dans l'après-midi parmi les
putschistes. Des tractations ont eu lieu au camp Alfa Yaya Diallo,
le plus grand du pays, et une majorité de putschistes ont choisi
comme chef le lieutenant-colonel Sekouba Konaté.



En cas de vacance du pouvoir, constatée par la plus haute instance
judiciaire, la gestion des affaires de Guinée doit revenir
temporairement au président de l'Assemblée nationale, chargé
d'organiser une élection présidentielle dans les 60 jours. Le
président de l'Assemblée nationale Aboubacar Somparé a ainsi
demandé à la Cour suprême de le nommer chef de l'Etat par
intérim.

Il souffrait de diabète

Le président Conté, qui vivait le plus souvent reclus ces
dernières années, est décédé à l'âge de 74 ans. Il souffrait
notamment de diabète. Il s'était toutefois rendu à de nombreuses
reprises à l'étranger depuis 2002 pour des traitements médicaux,
que ce soit au Maroc, à Cuba ou en Suisse.



Militaire de carrière, Lansana Conté était arrivé au pouvoir le 3
avril 1984, à la faveur d'un coup d'Etat, une semaine après la mort
du premier président de la Guinée indépendante, Ahmed Sékou
Touré.



Depuis, il avait toujours pris appui sur les dirigeants de l'armée
pour avoir la haute main, avec son clan, sur la vie politique et
économique de ce pays ouest-africain. Et il s'accrochait au
pouvoir, malgré ses maladies (une forme aiguë de diabète, une
leucémie...) et une contestation de plus en plus vive.



Début 2007, de grandes manifestations populaires hostiles au
régime et aux «prédateurs de l'économie nationale» avaient été
violemment réprimées: au moins 186 personnes avaient été tuées et
1200 blessées.

Inquiétude pour la région

L'inquiétude de voir la région déstabilisée prévaut. Les Casques
bleus de la force de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci) ont été appelés
à une "vigilance accrue" dans la zone frontalière avec la
Guinée.



Le président de la Sierra Leone, Ernest Koroma, a convoqué le
Conseil national de sécurité pour "surveiller les activités
militaires" de la Guinée voisine. "C'est un revers grave,
particulièrement pour la région très volatile du fleuve Mano
(Guinée, Sierra Leone, Liberia)", a commenté le secrétaire exécutif
de la Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de
l'Ouest).

Annonce durant la nuit

Alors que l'hymne national était joué à la télévision, Aboubacar
Somparé annonçait un deuil national de 40 jours. Il a fait l'éloge
du défunt, rappelant qu'il aimait cultiver du riz chez lui en
solidarité avec les agriculteurs, et a parlé de lui comme d'«Un
paysan solide, un brave soldat».



Bien qu'il soit décédé lundi à 18h00 et que des rumeurs
circulaient depuis des jours dans la capitale sur la nette
dégradation de son état de santé, les autorités ont attendu la
nuit, alors que la majeure partie du pays dormait, pour annoncer le
décès.



afp/ant/bri

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Coup d'Etat condamné

L'ONU, l'Union africaine (UA), l'Union européenne (UE), les Etats-Unis et des dirigeants africains ont condamné la tentative de coup d'Etat consécutive à la mort de Lansana Conté.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé à une "transition du pouvoir pacifique et démocratique".

A l'Union africaine, le président de la Commission Jean Ping a "fermement condamné" la tentative de coup d'Etat militaire, estimant que cela constituait une "violation flagrante de la Constitution guinéenne".

Le Conseil de paix et de sécurité de l'UA (CPS) a été convoqué pour une réunion d'urgence mercredi à son siège d'Addis Abeba. Il n'exclut pas de suspendre la Guinée de participation aux réunions et activités de l'organisation panafricaine.

La Guinée "sera automatiquement suspendue" de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest en cas de succès de la tentative de coup, a déjà prévenu la Cédéao.

Le président nigérian Umaru Yar'Adua a condamné "sans équivoque toute prise de pouvoir anticonstitutionnelle", tandis que le Burkinabé Blaise Compaoré a espéré que ces évènements permettent aux Guinéens de "participer à des élections crédibles", ce qu'ils "attendent depuis des années".

La présidence de l'UE a également appelé tous les responsables politiques et militaires "à respecter (...) les dispositions constitutionnelles afin d'assurer une transition pacifique en vue de l'organisation rapide d'élections libres et transparentes".

"Nous encourageons les institutions guinéennes à prendre toutes les mesures nécessaires à une transition pacifique et démocratique", a dit la Maison Blanche.

Même ton en France, ancienne puissance coloniale, qui a souhaité "l'organisation d'élections libres et transparentes rapidement".

La Fédération internationale des Ligues des droits de l'Homme (FIDH) a demandé aux organisations internationales de "suspendre immédiatement la Guinée de leurs instances" si le coup d'Etat était confirmé.

Un pays géré de manière calamiteuse

Les discours de condoléances des hauts dignitaires, évoquant le «regretté président», ne devraient pas beaucoup émouvoir les neuf millions d'habitants de la Guinée, dont 53% vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

Les organisations non gouvernementales ont maintes fois dénoncé la «gestion calamiteuse» de la Guinée, minée par la corruption et classée parmi les pays les plus pauvres du monde malgré les richesses de son sous-sol (bauxite, fer, or, diamants...).

Le mois dernier, plusieurs manifestations avaient eu lieu dans la capitale comme en province, notamment pour protester contre la cherté du carburant ou les coupures d'électricité.

Selon l'organisation Human Rights Watch, la répression de ces manifestations avait abouti à la mort de «quatre» personnes «au moins», les forces armées ayant parfois tiré à balles réelles.