Aucune plainte n'a été formellement déposée contre Dieudonné, a
précisé le bureau du procureur. L'enquête de la Brigade de
répression de la délinquance contre la personne "a pour objet de
déterminer si les délits de contestation de crime contre l'humanité
commis au cours de la Seconde guerre mondiale ou d'injures
antisémites ont été perpétrés", explique un communiqué du procureur
de la République.
La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme avait
demandé au parquet d'engager des poursuites contre l'humoriste pour
apologie du négationnisme.
"J'ai fait le con"
Lors d'une représentation de son spectacle "J'ai fait le con" le
26 décembre au Zénith de Paris, Dieudonné a fait remettre, devant
les quelque 5000 spectateurs présents dans la salle, à Robert
Faurisson le "prix de l'infréquentabilité et de l'insolence" par
une personne déguisée en déporté juif.
C'est un des techniciens de l'humoriste, déguisé en déporté juif
et porteur d'une étoile jaune sur la poitrine, qui a remis un
trophée à Robert Faurisson. Dieudonné a demandé au public
d'applaudir l'ancien universitaire qui nie l'existence de
l'Holocauste et l'a ensuite embrassé.
"Je vous remercie parce que je n'ai pas du tout l'habitude de ce
genre d'accueil. Je suis supposé être un gangster de l'histoire", a
lancé à la foule Robert Faurisson, qui a ajouté qu'il était "traité
dans son pays en Palestinien", comme le montre une vidéo sur le
site Internet YouTube.
Proche du FN
Dieudonné n'en est pas à son coup d'essai en matière de
provocation. Récemment, l'humoriste avait fait grand bruit en
annonçant que le président du Front national Jean-Marie Le Pen
était le parrain de sa fille (une information qu'il a ensuite
démentie: il s'agissait, a-t-il dit, d'obtenir l'écoute des
médias). Le leader du parti d'extrême droite était d'ailleurs
présent au Zénith le 26 décembre en compagnie de son épouse Jany.
Dieudonné s'est rapproché en 2006 du FN en assistant à la fête des
"Bleu, Blanc, Rouge" du mouvement au Bourget, près de Paris.
Les condamnations se multiplient à l'encontre de Dieudonné,
poursuivi déjà par la justice pour des propos sur la Shoah.
Plusieurs fois relaxé, Dieudonné a été néanmoins condamné en 2007 à
7000 euros d'amende pour diffamation publique à caractère racial.
L'humoriste avait aussi fait scandale en 2003 en apparaissant dans
l'émission de Marc-Olivier Fogiel "On ne peut pas plaire à tout le
monde" grimé en colon juif ultraorthodoxe et singeant un ambigu
salut nazi.
Dieudonné déclare dans le "Journal du Dimanche" qu'il n'est pas
d'accord avec toutes les thèses de Robert Faurisson. "Il nie par
exemple la traite des esclaves organisée depuis l'île de Gorée, au
large de Dakar. Mais pour moi, c'est la liberté d'expression qui
compte", déclare-t-il.
agences/boi
Réactions ulcérées
L'association SOS Racisme a dénoncé la mise en scène du Zénith, qui "ne peut être considérée comme une simple provocation".
Le président de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme Patrick Gaubert a dénoncé le délit d'apologie du négationnisme constitué "par le lamentable spectacle offert par Dieudonné et Faurisson".
La ministre française de la Culture Christine Albanel a elle fait part de sa consternation, jugeant que "cette provocation heurte et blesse à nouveau les mémoires".
Pour le ministre de la Défense Hervé Morin, "Dieudonné est devenu l'artisan d'un moment sinistre, celui d'une foule ovationnant le principal théoricien du négationnisme dans une mise en scène lugubre".
Le Parti socialiste, par la voix de son porte-parole Benoît Hamon, réclame "une réaction ferme des pouvoirs publics et une vigilance accrue contre la propagation du racisme et de l'antisémitisme". "C'est lamentable. Faurisson est un faussaire de l'histoire, Dieudonné un faussaire de l'humour", a-t-il ajouté.
Le maire de Paris Bertrand Delanoë parle d'un geste "révoltant et abject".
Robert Faurisson, très contesté
Robert Faurisson a été condamné à plusieurs reprises par la justice pour ses propos niant l'extermination des juifs par les nazis.
En juillet 2007, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement le condamnant à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 7500 euros d'amende pour avoir nié la réalité de l'Holocauste.
Faurisson est également visé par une information judiciaire ouverte pour "complicité de contestation de crimes contre l'humanité" à la suite de sa participation à une conférence controversée sur l'Holocauste à Téhéran en 2006.