Interpellée mercredi dernier, Maria Ressa est poursuivie pour la sixième fois par la justice philippine. Elle l'est cette fois pour diffamation - sur la base d’une loi récente et alors que l’article incriminé date d’une époque antérieure, ce qui va à l’encontre du principe général de non rétroactivité de la loi.
Appel présidentiel aux meurtres de journalistes
La journaliste de 55 ans n'a de cesse de dénoncer les mêmes personnes: des chefs de gang ou des juges et politiciens corrompus liés au président philippin. Car Rodrigo Duterte, pour gagner sa guerre contre la drogue, promeut les exécutions extra-judiciaires qui ont déjà fait jusqu’à 5000 morts. Le média Rappler a démontré que des gangs de tueurs à gages aident la police, protégés par le chef de l'Etat qui n'hésite pas à lancer des appels publics au meurtre: si un journaliste est un fils de pute, a-t-il dit, alors il peut être assassiné.
Personnalité de l'année du magazine Time
Cette opposante en acier, élue "personnalité de l’année" par le magazine américain Time, risque pour l'instant 12 ans de détention. Mais à l'entendre s'exprimer jeudi dernier à sa sortie de prison, il est clair qu'elle n'arrêtera pas son combat. "Le message du gouvernement est très clair: taisez-vous où vous êtes les prochains sur la liste. La liberté de la presse, c’est le droit à la vérité. Nous ne nous cacherons pas, nous maintiendrons le cap."
Liberté de la presse en déliquescence
Plusieurs médias critiques du pouvoir, dont le grand quotidien Daily Philippines Inquirer et la principale chaîne de télé ABS-CBN, sont aussi dans le collimateur du président Duterte - avec à la clé des menaces de poursuites pour fraude fiscale ou sur le renouvellement de leur licence de diffusion.
L’an dernier, les Philippines se plaçaient au 133e rang sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters Sans Frontières. Sept journalistes philippins ont été assassinés en 2017.
Alain Franco/oang