Un brin médusée, la Belgique a découvert qu'aujourd'hui encore, une vingtaine de ses ressortissants, ou leur veuve, bénéficient d’une pension allemande, alors qu’ils avaient été jugés pour collaboration avec le régime nazi.
Une situation effarante pour plusieurs députés belges: "La Chambre des représentants demande au gouvernement (...) de plaider auprès du gouvernement fédéral allemand la fin du régime des pensions accordées aux collaborateurs belges," écrivent les élus dans ce texte adopté mardi.
L'octroi de ces pensions "pour la collaboration à un des régimes les plus meurtriers de l'Histoire" entre en contradiction "avec le travail de mémoire et le projet de paix" portés par l'Europe, ajoutent-ils.
Des versements mensuels
Ces pensions militaires sont versées chaque mois, en vertu d'une loi allemande, aux habitants de la Flandre ou de la Wallonie qui se sont engagés aux côtés de l'armée allemande, ainsi qu'aux enrôlés de force dans les territoires annexés de l'est de la Belgique, explique l'historien Christoph Brüll, spécialiste des relations belgo-allemandes à l'université du Luxembourg.
Selon lui, seules les personnes touchées par une invalidité et qui n'ont pas été condamnées pour crimes de guerre ont pu en bénéficier. Mais "il y a une zone d'ombre," relève-t-il. "Les critères d'invalidité sont généreux. Quant à la question de la condamnation, dans les années 1950, on ne savait pas trop qui avait fait quoi".
La RTBF explique que les années passées dans les prisons belges pour faits de collaboration ont compté pour des années de travail: plus le séjour carcéral était long, plus la pension touchée était importante. Un montant variant de 425 à 1275 euros. Le service public belge ajoute qu'au total, depuis la fin de la seconde Guerre mondiale, 38'000 Belges ont bénéficié de cette pension complémentaire.
Une pension nette d'impôts
Les députés belges relèvent dans leur résolution "l'injustice subie par les victimes du nazisme, qui ne reçoivent pas d'allocations, alors que les collaborateurs belges perçoivent une pension" nette d'impôts. Le quotidien Le Soir narre que l'Allemagne a toujours refusé de communiquer la liste des bénéficiaires à la Belgique, "faisant valoir des éléments légaux de protection privée".
Pour eux, le gouvernement belge doit "requérir" auprès de la Rhénanie du Nord-Westphalie "toutes les informations pouvant faire la clarté" sur le sujet et mettre en place "une commission scientifique".
Ces pensions sont versées en Belgique en vertu d'une loi allemande de 1951, qui permet aux victimes de guerre allemandes de toucher une retraite.
De nombreux anciens nazis, voire criminels de guerre, ainsi que des collaborateurs étrangers, dans bien d'autres pays que la Belgique, ont pu en bénéficier.
Stéphanie Jaquet et les agences
Les Etats régionaux allemands peuvent mettre fin aux versements
Depuis 2008, en Allemagne, la loi permet aux Länder – les Etats régionaux allemands – qui versent ces retraites, de les suspendre.
Mais cette possibilité a été peu utilisée: 99 retraités se sont vu retirer ce "bonus", contre 50'000 espérés, selon des données de 2017 du ministère allemand du Travail.
Dans le monde, 2000 personnes concernées
Plus de 2000 personnes, dont les trois quarts en Europe, ont touché en février des pensions versées à d'anciens collaborateurs du régime nazi ou à des personnes enrôlées de force, a indiqué à l'AFP vendredi le ministère allemand du Travail.
En Europe, ils sont 1532 à percevoir la pension, dont 573 personnes dans la seule Pologne, le pays le plus représenté, selon les chiffres. Suivent la Slovénie (184), l'Autriche (101), la République tchèque (94).
Quelque 54 personnes la perçoivent en France, 34 en Grande-Bretagne, 71 en Croatie ou 48 en Hongrie.
En Afrique, le nombre de bénéficiaires s'élève à 13, dont 9 en Afrique du Sud et 4 en Namibie.
Les Etats-Unis comptent sur leur sol 250 bénéficiaires, devant le Canada (121), le Brésil (18) et l'Argentine (8). En tout, 409 personnes dispose de cette prestation sur le continent américain.
L'Asie compte une trentaine de bénéficiaires, dont 12 en Thaïlande. Enfin, 44 personnes la touchent en Australie.