Le Vietnam s'apprête à accueillir le second round de négociations entre le président américain Donald Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Du 27 au 28 février à Hanoï, les deux hommes doivent préciser les modalités d'une "dénucléarisation complète et durable" de la Corée du Nord, ainsi que le processus de paix entre les deux Corées.
Malgré les intentions affichées à Singapour en juin dernier, Pyongyang est-elle pour autant prête à abandonner à l'Amérique son arsenal nucléaire? "Non, je ne pense pas", affirme dans Géopolitis Grégoire Mallard, professeur à l'Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) à Genève. "Cela reste une assurance vie pour le leader nord-coréen. Et puis le cadre des négociations ne nous rend pas très optimistes, en comparaison avec le traité sur le nucléaire iranien", poursuit-il. "Avec l'Iran, c'était une négociation multilatérale, très encadrée, avec un pays qui n'était pas sorti du traité de non-prolifération. L'accord a été marqué par des engagements presque quantitatifs, des inspections de l'Agence de Vienne (Agence internationale de l'énergie atomique, AIEA, ndlr) très intrusives sur son sol."
Pour l'instant, les négociations entre les Etats-Unis et la Corée du Nord ne laissent pas entrevoir un tel scénario. Alors quel arrangement Donald Trump pourrait-il mettre sur la table? "Avant le test de 2006 en Corée du Nord, l'administration américaine souhaitait en premier lieu une dénucléarisation de la péninsule, puis la paix entre les deux Corées", rappelle Grégoire Mallard. "On assiste peut-être aujourd'hui à un renversement des priorités, avec une paix qui se fera par étapes, (...) et une dénucléarisation progressive qui interviendrait dans un second temps. Mais la façon de négocier de Donald Trump, très brouillonne, très intempestive, ne laisse pas beaucoup de place à une prévision claire."
Prolifération des arsenaux
Aujourd'hui, neuf pays détiennent une force de frappe nucléaire. Les Etats-Unis, la Russie, la France, le Royaume-Uni et la Chine sont membres du traité de non-prolifération nucléaire. L'Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël sont non signataires. Depuis la fin de la Guerre froide, le stock mondial d'ogives nucléaires s'est considérablement réduit: 70'000 ogives en 1987, 14'500 ogives actuellement, détenues à 92% par la Russie et les Etats-Unis. Le stock est presque 5 fois inférieur, mais la majorité de ces armes sont 10 fois plus puissantes que celles utilisées à Hiroshima et Nagasaki.
Ces dernières années, des programmes et des armements toujours plus perfectionnés remettent l’arme nucléaire au centre des préoccupations militaires. Russes, Américains, Français et Britanniques renouvellent et modernisent leurs arsenaux. La Chine développe une force de frappe proportionnelle à ses ambitions planétaires.
Parallèlement, en annonçant leur retrait du traité sur les missiles à portée intermédiaire (FNI), les Etats-Unis et la Russie ouvrent la porte à une nouvelle course aux armements. "La raison invoquée par les deux puissances est que nous sommes sortis de la Guerre froide et que nous sommes passés d'un contexte de bipolarité à un contexte de multipolarité", explique Grégoire Mallard. C'est un message adressé notamment à la Chine, non signataire du traité, qui développe ses propres missiles de moyenne portée.
Traité d'interdiction
Voté en Assemblée générale des Nations unies, le traité d'interdiction des armes nucléaires a obtenu l'adhésion de 122 pays en juillet 2017, mais pas celle des neuf puissances nucléaires. "Elles le jugent inutile, car l'ensemble des puissances signataires n'ont pas l'arme atomique", souligne Grégoire Mallard. "Alors pourquoi se sont-elles opposées? Tout d'abord parce que l'initiative ne venait pas d'elles. Or, sur les questions de désarmement, ce sont toujours les puissances nucléaires qui veulent réglementer et imposer leur tempo", précise-t-il. "Ce traité a aussi des clauses qui pourraient peser sur les industriels de l'armement. Ces industriels sont souvent financés par le système bancaire et financier global. (...) Le traité va tendre à responsabiliser les institutions financières dans les pays qui signeraient le traité, en regardant où vont les actifs de leurs clients."
Mélanie Ohayon