A peine arrivé à Berlin, Vladimir Poutine a modifié son
programme pour rencontrer des représentants des groupes gaziers
italien ENI, français GDF Suez et allemand E.ON Ruhrgas.
Vladimir Poutine s'est déclaré au début de la réunion prêt à
"aider (ses) partenaires ukrainiens", sans "chercher qui a raison
et qui a tort", changeant apparemment de ton envers l'Ukraine.
"Nous ne devrions pas politiser la situation (...) Notre avons un
intérêt à fournir du gaz", a poursuivi le Premier ministre
russe.
Puis, lors d'une conférence de presse avec la chancelière
allemande Angela Merkel, où il a concédé qu'il était "rare qu'une
seule partie soit fautive", il a accusé l'UE "de soutenir de facto
l'Ukraine" en plaçant Moscou et Kiev sur le même pied, et parlé de
"chantage" et de "vol incessant" des Ukrainiens.
Consortium créé
Alors que Vladimir Poutine rencontrait Angela Merkel, le
vice-Premier ministre russe Igor Setchine, cité par les agences de
presse russes, annonçait que Gazprom, E.ON Ruhrgas, ENI, Wingas et
GDF Suez s'étaient mis d'accord pour former un consortium afin de
résoudre la crise du gaz. Le consortium devrait fournir aux
Ukrainiens le "gaz technique" nécessaire à la mise sous pression
des gazoducs ukrainiens. Il s'agit de l'un des principaux points de
litige, chaque partie affirmant que c'est à l'autre de fournir ce
gaz. La réponse de Kiev ne s'est pas fait attendre: cette idée est
un "chat crevé", selon un collaborateur de la présidence.
Devant la presse, Angela Merkel a annoncé qu'une "phase test"
était en discussion entre les groupes gaziers pour rendre "possible
la reprise des livraisons de gaz à l'Europe et garantir en même
temps que le gaz fourni à Gazprom pour l'Europe ne disparaisse pas
quelque part en Ukraine". "Je suis pour qu'on essaie ce moyen de
phase test car le temps presse", a-t-elle ajouté.
Angela Merkel avait haussé le ton jeudi, lors d'une conférence de
presse commune avec le Premier ministre britannique Gordon Brown,
où elle avait estimé qu'il en allait de la crédibilité de Moscou
comme fournisseur "fiable" de gaz.
Vladimir Poutine a estimé qu'il y avait une possibilité de
"débloquer la situation" et a souligné que Gazprom "enregistre des
pertes immenses".
Poutine décoré
Avant de voir Angela Merkel, Vladimir Poutine s'est brièvement
rendu au Salon de l'Agriculture de Berlin, et il était attendu
vendredi soir au bal de l'Opéra de Dresde, événement mondain de la
capitale de Saxe, où il a travaillé pour le KGB de 1985 à 1990. Il
devait s'y voir décerner une haute décoration par le gouvernement
de Saxe pour son rôle méritant, selon Dresde, dans les relations
culturelles germano-russes. Des défenseurs des droits de l'Homme
s'en sont indignés.
agences/lan
Allemagne, premier partenaire
Premier partenaire commercial de la Russie, l'Allemagne est le principal client européen du gaz russe avec environ 36 milliards de m3 de gaz importé en 2007.
Même si elle est loin d'en être ultra-dépendante, quelque 40% de ses importations de gaz proviennent de Russie.
"Dans cette crise, Angela Merkel joue un rôle central auprès de Moscou. L'Allemagne est le pays de l'UE qui a la relation la plus étroite avec la Russie et si Poutine doit finalement écouter quelqu'un, ce sera Merkel", a déclaré à l'AFP un expert des relations germano-russes, Stefan Meister.
La chancelière a par ailleurs confirmé la volonté de Berlin de voir construit un gazoduc reliant directement la Russie et l'Allemagne en passant sous la mer Baltique (le projet Nord Stream), pour diversifier l'approvisionnement énergétique des Européens.
"La situation n'a pas changé, nous voulons qu'il soit construit rapidement", a-t-elle déclaré.
Menaces de l'UE
La Commission européenne a jugé que les négociations prévues d'ici à la fin de la semaine étaient la "dernière chance" de la Russie et de l'Ukraine de prouver leur volonté de régler la crise.
"La patience" des Etats européens "est épuisée", a renchéri le chef du gouvernement tchèque Mirek Topolanek, dont le pays assume la présidence de l'Union européenne.