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Feu vert pour la construction du gazoduc "Nabucco"

Le projet pourrait offrir une échappatoire en cas de chantage au gaz russe.
Le projet pourrait offrir une échappatoire en cas de chantage au gaz russe.
La Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et l'Autriche ont signé avec la Turquie lundi un accord intergouvernemental pour la construction du gazoduc Nabucco destiné à fournir l'Europe en gaz d'Asie centrale et du Moyen-Orient sans passer par la Russie.

Une nouvelle étape pour un programme qui peine encore à
convaincre. Le projet Nabucco, lancé en 2002 avec le soutien de
l'UE et des Etats-Unis, répond au souci de l'UE de diversifier ses
sources d'approvisionnement énergétique et de réduire sa dépendance
envers la Russie dans ce domaine, et à celui de Washington de
renforcer son influence sur les anciens satellites de l'URSS. Le
coût est estimé à 8 milliards d'euros.

Moscou répond au nord comme au sud

A Nabucco, censé relier d'ici 2015 la région de la mer
Caspienne, le Proche-Orient et l'Egypte à l'Europe en passant par
la Turquie sur 3300km, la Russie oppose South Stream, un projet de
gazoduc de 900km pour un montant de 6,8 milliards de dollars (4,9
milliards d'euros), soutenu par Gazprom et l'Italien ENI, qui
passerait sous la mer Noire pour arriver jusqu'en Bulgarie avant de
se diviser pour alimenter les pays européens lui aussi. Capacité:
30 milliards de m3.



Moscou, qui construit également le Nord Stream reliant la Russie à
l'Allemagne par la mer Baltique en évitant les pays Baltes, y voit
un moyen d'accroître son contrôle sur les routes vers l'Occident,
et de réaffirmer sa domination sur la région. Le chantage au gaz
avec l'Ukraine et la guerre en Géorgie à l'été dernier ont renforcé
la volonté de l'Europe de contourner la Russie autant que
possible.



Les intérêts des uns et des autres se traduisaient par la présence
lundi à Ankara des cinq pays de transit de Nabucco, mais aussi du
président géorgien Mikhaïl Saakachvili, du Premier ministre irakien
Nouri al-Maliki, du président de la Commission européenne José
Manuel Barroso et l'émissaire spécial américain pour l'énergie en
Eurasie Richard Morningstar.



"Nabucco aidera à cimenter les liens entre la Turquie et
l'Europe", a déclaré ce dernier, dont le pays milite pour
l'intégration de son grand allié turc dans l'UE. "Nous vivons
aujourd'hui un événement historique", a estimé le Premier ministre
turc Recep Tayyip Erdogan, ajoutant "le but de la Turquie est de
devenir la quatrième grande artère énergétique de l'Europe".

Une solution de secours

Mais Nabucco, d'une capacité de 31 milliards de mètres cubes, ne
transportera dans le meilleur des cas guère plus de 5% de la
consommation de gaz de l'Europe, alors que celle-ci importe plus
d'un quart de son gaz de Russie. La demande européenne de gaz
devrait augmenter régulièrement pour passer de 580 milliards de
mètres cubes en 2007 à 750 milliards d'ici 2030, selon des
projections.



Le Vieux continent devrait donc rester largement dépendant de la
Russie, Nabucco permettant toutefois de faire face à une soudaine
rupture des livraisons du genre de celle intervenue lors des
disputes entre Kiev et Moscou ces dernières années. Par le passé,
les Etats-Unis ont déjà soutenu des projets concurrents des
gazoducs et oléoducs russes.



A en croire l'UE, Nabucco sera la "nouvelle Route de la Soie" qui
apportera "prospérité, stabilité et sécurité à l'ensemble des pays
impliqués".



ap/jeh

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Encore bien des questions

L'une des grandes difficultés que rencontre le projet réside dans l'incertitude qui pèse sur l'existence d'une offre suffisante de gaz non-russe.

Les investisseurs hésitent à se lancer dans Nabucco si des pays producteurs ne signent pas, et certains pays européens sont partagés entre leurs intérêts nationaux et ceux des Vingt-sept.

La Turquie espère que l'accord intergouvernemental d'Ankara les rassurera.

En mai, l'Union européenne a obtenu le soutien formel de l'Azerbaïdjan, de la Géorgie et de l'Egypte, mais l'Irak, le Kazakhstan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan, qui possèdent d'importantes réserves de gaz, ont refusé de s'engager.

Et l'Azerbaïdjan a signé récemment un important accord avec la Russie pour lui fournir 500 millions de mètres cubes de gaz par an à partir de 2010, tout en assurant que ses réserves étaient suffisamment importantes pour approvisionner aussi Nabucco.

Selon les scénarios retenus, le gazoduc passerait par la Géorgie -avec le risque d'attaque russe- ou bien partirait d'Iran, option qui n'a pas vraiment les faveurs des Occidentaux au moment où ils cherchent à obtenir de Téhéran l'abandon de ses activités nucléaires sensibles.

L'Iran possède les deuxièmes réserves mondiales de gaz, derrière la Russie.

A eux deux, ces pays "représentent environ 40% de l'offre mondiale de gaz", selon Michael Klare, auteur d'un livre sur "La nouvelle géopolitique de l'énergie".

Ankara n'exclut d'ailleurs pas que la Russie devienne à terme fournisseuse de Nabucco, bien que cela n'aille pas dans le sens d'une plus grande indépendance énergétique de l'Europe.

Car la Turquie, située sur la rive sud de la mer Noire, se retrouve dans une position stratégique centrale, courtisée à la fois pour Nabucco et pour South Stream, ce qui lui rapportera gros en taxes de transit et devrait lui permettre d'acheter le gaz au meilleur prix.

Cela donne aussi un poids supplémentaire à sa candidature à l'Union européenne à un moment où les négociations se trouvent en grande partie au point mort.