Cette défaite, inenvisageable il y a encore quelques jours,
prive le Parti démocrate de la majorité qualifiée des 60 sièges à
la chambre haute qui lui permettait d'empêcher les républicains de
bloquer le débat par leurs manoeuvres de "filibustering"
l'obstruction systématique.
Scott Brown, qui s'est clairement engagé à voter au Capitole
contre la réforme, a créé la surprise en battant la candidate
démocrate Martha Coakley dans ce fief du parti démocrate alors
qu'il accusait encore un retard de 15 points dans les sondages il y
a dix jours. Après dépouillement de la quasi-totalité des bulletins
de vote, Brown, âgé de 50 ans, était donné en tête avec 52% des
voix contre 47% à sa rivale.
Gros taux de participation
Stimulés par l'enjeu, les électeurs du Massachusetts se sont
déplacés en nombre aux urnes pour désigner le successeur d'Edward
Kennedy, décédé en août dernier. Présenté dans un premier temps
comme une formalité pour les démocrates, le scrutin a pris une
dimension nationale sur fond de crise économique et de doutes d'une
bonne partie de la population quant au bien-fondé de la réforme de
la santé voulue par Obama.
Sentant le vent
tourner, le chef de la Maison blanche s'était personnellement
déplacé dimanche dans le Massachusetts pour soutenir Martha
Coakley, 56 ans, ministre de la Justice de l'Etat.
Barack Obama a adressé mardi ses félicitations à Scott Brown et
s'est dit impatient de travailler avec lui sur des "défis
économiques urgents", a fait savoir la Maison blanche.
Cette défaite, dans un Etat où le président l'avait emporté avec
62% des voix lors de son élection en novembre 2008, sonne aussi
comme un coup de semonce avant les élections de mi-mandat de
novembre prochain. Et ce d'autant qu'elle intervient après deux
revers lors de récentes élections pour les postes de gouverneur de
Virginie et du New Jersey. Ce revers survient à la veille de la
première année de présidence de
Barack Obama.
"Catastrophique" pour Obama
"C'est catastrophique pour le président. L'année qui vient va
être une année de blocage au Congrès", analyse Jeffrey Berry,
professeur de sciences politiques à l'université Tufts du
Massachusetts. "Ce que le Massachusetts reflète, c'est qu'il y a
beaucoup de gens, au niveau national, qui souffrent. Les électeurs
sont frustrés, ils veulent quelque chose de différent", note-t-il.
La totalité des 435 sièges de la Chambre des représentants et un
tiers des 100 sièges du Sénat seront renouvelés en novembre.
A Washington, le porte-parole Robert Gibbs de la Maison blanche
avait prévenu avant l'issue du scrutin que le projet de réforme du
système de santé ne serait pas mort en cas de défaite démocrate. Le
leader de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, a déclaré
sitôt l'annonce des résultats que Scott Brown siègerait une fois
effectuées les formalités administratives.
Réforme du système de santé en jeu
L'interrogation demeure sur la date à laquelle sera organisé le
vote fédéral sur la réforme. Les majorités démocrates du Sénat et
de la Chambre ont largement rapproché leurs points de vue la
semaine dernière et pourraient parvenir dans les jours qui viennent
à un projet commun.
Les deux chambres du Congrès doivent faire fusionner les deux
textes qu'ils ont adoptés séparément. Cette mouture sera à nouveau
soumise aux élus avant d'être adressée au président Obama pour
ratification. Le chef de file des républicains au Sénat, Mitch
McConnell, a salué la «victoire déterminante» de Scott Brown qui
illustre, selon lui, le rejet de la réforme de la santé par la
population américaine.
agences/hof
Responsabilités: le ping-pong démocrate
Avant même l'annonce de la défaite de la démocrate Martha Coakley dans l'élection sénatoriale partielle mardi dans le Massachusetts, le camp démocrate se déchirait pour savoir qui devait endosser la responsabilité de ce fiasco annoncé.
Comment un siège détenu par les démocrates depuis 1952, et par Ted Kennedy depuis 1962 jusqu'à sa mort en août 2009, a-t-il pu échapper au parti?
Circonstance aggravante, les républicains n'alignaient même pas un cador. Scott Brown, le nouveau sénateur républicain, était un obscur parlementaire local.
Au niveau national, on accuse Martha Coakley et son équipe d'avoir mené une campagne désinvolte et de n'avoir pas mesuré le risque de la défaite.
Dans l'entourage de la candidate malheureuse, on rétorque que les démocrates du Massachusetts sont victimes du climat national de défiance, voire de déception, à l'égard de Barack Obama.
La réforme du système de santé, dont le président américain a fait un enjeu majeur, aurait aussi pesé.
Avant même mardi, l'équipe de Martha Coackley avait déjà écrit un mémo dans lequel elle répond point par point aux accusations.
"Je ne cherche pas la bagarre avec la Maison Blanche, mais je ne veux pas me laisser marcher dessus", écrit le conseiller qui l'a rédigé.
Celinda Lake, sondeuse pour l'équipe de Martha Coakley, concède quelques erreurs. Elle admet par exemple que son équipe a tardé à réunir des fonds pour financer des spots à la télévision.
Vainqueur avec 47% des voix de la primaire en décembre, Martha Coakley a ensuite réduit ses apparitions publiques.
Pendant ce temps, Scott Brown frappait aux portes et surfait sur une vague de mécontentement.