Transféré à La Haye en mars 2006, Thomas Lubanga, 48 ans, est
accusé d'enrôlement et de conscription d'enfants de moins de quinze
ans, et de les avoir fait combattre dans l'aile militaire de sa
milice, l'Union des patriotes congolais (UPC), lors de la guerre
civile en Ituri (est de la RDC), entre septembre 2002 et août
2003.
Ces "crimes de masse" ont fait "des centaines ou des milliers de
victimes" et "affecté une génération entière", a assuré le
procureur en annonçant qu'il allait requérir une "punition proche
du maximum" de trente ans. Voir le dossier des "Guerres oubliées" sur la RDC
Les enfants ne peuvent oublier
"La milice de Lubanga a recruté, formé et utilisé des centaines
de jeunes enfants pour qu'ils tuent, pillent et violent", a déclaré
à l'ouverture de l'audience le procureur de la CPI, l'Argentin Luis
Moreno-Ocampo.
"Les enfants continuent de souffrir des conséquences des crimes de
Lubanga. Ils ne peuvent pas oublier ce qu'ils ont enduré, ce qu'ils
ont vu. Ils avaient 9, 11, 13 ans", a-t-il affirmé. "Ils ne peuvent
pas oublier les coups qu'ils ont reçus... la terreur qu'ils ont
ressentie. Ils ne peuvent pas oublier qu'ils ont été violés et
qu'ils ont violé", a continué le procureur, selon lequel "certains
d'entre eux prennent maintenant de la drogue pour survivre,
d'autres se prostituent".
Environ 30% des troupe de Lubanga étaient des "kadogo", un mot
swahili signifiant "les petits", a insisté le procureur, qui a
présenté plusieurs vidéos. Les jeunes filles étaient
particulièrement éprouvées. "Elles devaient porter une arme, servir
le repas à un commandant puis, d'un moment à l'autre, le commandant
les violait. Il les tuait si elles refusaient d'être violées", a
affirmé le magistrat.
Du notable respecté au chef charismatique
Thomas Lubanga était un jeune notable
respecté qui vivait de la vente de denrées alimentaires avant de
devenir un chef de guerre redouté, à la tête d'un des six
principaux groupes armés actifs en Ituri (nord-est) au début des
années 2000.
Il fonde l'UPC en 2002 avec le soutien de l'Ouganda puis s'allie
en 2003 au Rwanda, dans le contexte de conflits fonciers entre
communautés Hema (dont il est membre) et Lendu qui dégénèrent
rapidement en massacres. A la tête de l'UPC, il s'empare
d'importantes zones minières d'Ituri.
Thomas Lubanga quitte Bunia peu après l'envoi en 2003 d'une
force européenne (Artémis). Il réapparaît en 2004 à Kinshasa, où il
attend sa promotion au grade de général au sein de l'armée
congolaise. La poursuite des violences en Ituri et le meurtre de
neuf Casques bleus en février 2005 conduisent les autorités
congolaises à l'arrêter en mars 2005.
Depuis la prison de Kinshasa, ce chef de guerre riche et influent,
toujours élégamment vêtu, aurait continué à piloter à distance
certaines opérations de l'UPC. En mars 2006, il a été transféré en
vertu d'un mandat d'arrêt international à la CPI à La Haye, dont il
devient le premier détenu. Selon les ONG, les affrontements en
Ituri ont fait 60'000 morts et des centaines de milliers de
déplacés depuis 1999.
Lundi, à l'ouverture de son procès, Thomas Luganda a plaidé non
coupable.
ats/ap/bri
Premier prévenu transféré à la CPI
Thomas Lubanga est le premier prévenu à avoir été transféré à la Cour depuis sa création par le Statut de Rome en 2002. Son procès devrait durer six à neuf mois.
Il devait initialement s'ouvrir en juin 2008, mais avait été reporté de six mois en raison d'une suspension de la procédure consécutive au refus de l'accusation de communiquer à la défense des preuves potentiellement à décharge pour Lubanga.
Ces éléments de preuves avaient été fournis à l'accusation par diverses organisations non-gouvernementales, ainsi que par les Nations Unies. Elles ont finalement été remises aux juges et aux avocats ouvrant la voie au procès.
Thomas Lubanga a été reconnu "indigent" par la CPI, qui paie sa défense. Il est détenu au centre pénitentiaire de Scheveningen, dans la banlieue de La Haye, avec trois autres suspects de la CPI.
Mercredi, la CPI entendra son premier témoin, un ancien enfant soldat. L'accusation compte appeler à la barre 34 témoins, dont des enfants soldats et trois experts. La défense n'a pas encore précisé combien de témoins elle compte présenter à décharge.
Entrée en fonction en juillet 2002, la CPI est le premier tribunal international permanent chargé les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide.