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L'Italie, tête de pont des intérêts chinois dans une Europe divisée

Xi Jinping entame une tournée européenne. C'est surtout l'accès maritime au continent qui aiguise l'appétit de Pékin.
Xi Jinping entame une tournée européenne. C'est surtout l'accès maritime au continent qui aiguise l'appétit de Pékin. / 19h30 / 2 min. / le 21 mars 2019
Arrivé en Italie jeudi, le président chinois Xi Jinping vient promouvoir les "nouvelles routes de la soie" en Europe. Mais cet ambitieux projet d'infrastructures lancé par Pékin laisse sceptiques plusieurs pays européens.

Rome et Pékin s'apprêtent à signer un mémorandum consacrant l'adhésion de l'Italie aux "nouvelles routes de la soie". Ce document, qui ouvrira en grand les portes de la Péninsule aux investissements chinois, représente un accord économique et commercial sans précédent entre les deux pays. Ce sera aussi une première pour un Etat membre du G7.

Après les pneus Pirelli, passés aux mains de ChemChina en 2015, ou encore le rachat du Milan AC, une partie de l'exploitation du port de Trieste, tout près de la frontière slovène, sera assurée par une société chinoise. A terme, il devrait devenir un point de passage clé pour les exportations chinoises en Europe.

>> Ecouter les explications d'Antoine Silacci sur les "nouvelles routes de la soie" :

Antoine Silacci décripte les plans d'investissements chinois: les nouvelles routes de la soie.
Antoine Silacci décripte les plans d'investissements chinois: les nouvelles routes de la soie / 19h30 / 2 min. / le 21 mars 2019


"La Chine a commencé par les marges. Elle s'est d'abord intéressée aux pays du Sud ou d'Europe de l'Est qui sont économiquement plus fragiles. Avant l'Italie, il y a eu la Grèce. Le port du Pirée (à Athènes, ndlr.) a été cédé en 2016", relève Antoine Kernen, maître d'enseignement et de recherche à l'Université de Lausanne. Le géant de fret chinois qui l'a racheté, Cosco, contrôle aussi les ports à conteneurs de Valence et de Bilbao en Espagne.

Des montants faramineux

Depuis 2010, la Chine a investi au moins 145 milliards d'euros en Europe. Outre ces ports, certains fleurons sont passés sous pavillon chinois à l'instar du groupe automobile suédois Volvo, des français Club Med et Lanvin ou encore des allemands Kuka et KraussMaffei, deux entreprises de machines outils. La tendance est toutefois au ralentissement, selon une étude de référence du cabinet Rodhium Group citée par l'AFP.

Pour les experts, ce repli reflète le durcissement de Pékin contre les acquisitions jugées "irrationnelles" de groupes déjà surendettés mais aussi un cadre réglementaire plus strict en Europe.

Allemagne et France en résistance

Car si la coalition au pouvoir à Rome a opéré un virage à 180 degrés par rapport à la politique du précédent gouvernement, la France et l'Allemagne poursuivent le bras de fer. Avec le Royaume-Uni, les deux pays ont enregistré près de la moitié (45%) des investissements directs de la Chine dans l'Union européenne en 2018. D'où leurs inquiétudes?

Par crainte de transferts de technologies, l'Allemagne a refusé le rachat d'entreprises stratégiques dans les nouvelles technologies. Quant à Emmanuel Macron, il prône une approche coordonnée de l'Union européenne face aux visées hégémoniques de la Chine.

Le président français insiste en particulier sur la nécessité de filtrer les investissements chinois et réclame la réciprocité en matière d'accès aux marchés. C'est, pour Antoine Kernen, "l'une des seules façons de mettre des barrières à cet expansionnisme chinois dans un système libéral mondialisé".

Une tournée stratégique

"Il n'y a pas une route de la soie, il y en a plusieurs et leurs tracés dépassent largement l'ambition de développer des voies de communication pour amener des produits chinois sur de nouveaux marchés. Elles sont le reflet d'une véritable politique étrangère de la Chine", estime l'expert lausannois.

Alors que le marché américain se referme, en pleine polémique liée au géant chinois Huawei, Pékin a plus que jamais intérêt à renforcer ses liens économiques avec l'Europe. A ce titre, la tournée de Xi Jinping qui passera, après l'Italie, par Monaco, Nice et Paris pourrait bien donner le ton des prochains mois.

Juliette Galeazzi

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